«NOUS POUVONS maintenant expliquer pourquoi cette variation génétique courante influence les performances athlétiques et pourquoi elle est devenue si fréquente dans la population générale, explique le Pr Kathryn North, de l'institut de recherche neuromusculaire à l'hôpital des enfants de Westmead, à Sydney. Il existe un lien fascinant entre les facteurs qui ont influencé la survie chez les anciens humains et les facteurs qui contribuent aux performances athlétiques chez l'homme moderne. »
Ce travail est la suite d'une remarquable découverte, faite en 2003 par la même équipe, qui liait le gène ACTN3 aux performances athlétiques.
Revenons sur cette découverte. Dans sa forme la plus courante, à savoir l'allèle R (R577), le gène ACTN3 encode l'alpha-actinine-3, une protéine localisée uniquement dans les fibres musculaires rapides, celles qui sont responsables de l'explosion de puissance dont les sprinters ont besoin.
L'autre variant identifié par l'équipe, l'allèle X (577X, codon stop prématuré), ne produit pas d'alpha-actinine-3. Or près de 20 % de la population d'origine européenne (et plus d'un milliard de personnes dans le monde) sont homozygotes pour ce variant et sont donc totalement déficients en alpha-actinine-3.
En collaborant avec l'institut sportif australien, les chercheurs avaient découvert que 95 % des sprinters de haut niveau possédaient au moins une copie de l'allèle R (50 % en avaient deux copies), alors que seulement 76 % des coureurs de fond possèdent un allèle R et 31 % sont RR.
De plus, le génotype XX, associé à l'absence d'alpha-actinine-3, ne se voit que chez 5 % des sprinters (et chez aucun sprinter de niveau olympique) contre 18 % dans la population, et 55 % chez les coureurs de fond. Des études dans la population normale ont montré que le génotype XX est associé à une plus faible force musculaire et à une moins bonne performance au sprint. Cela suggérait que l'absence d'actinine-3 est associée à des muscles plus « lents » dans l'effort, mais plus endurants, et pouvait constituer un avantage pour la performance d'endurance.
Pour ces chercheurs, il est intéressant de mieux comprendre les facteurs améliorant les performances musculaires, en raison des potentielles répercussions thérapeutiques pour les patients myopathes.
Dans un nouveau travail, l'équipe a cherché à comprendre comment la perte d'actinine-3 influence la fonction musculaire.
Voie aérobie.
Les chercheurs ont créé une lignée de souris K.-O. déficiente en alpha-actinine-3. Comme les 20 % de la population européenne déficient en actinine-3, ces souris K.-O. sont en bonne santé. Cependant, il existe dans les muscles de ces souris un changement du métabolisme vers une augmentation du métabolisme oxydatif. «La perte d'alpha-actinine-3 entraîne, dans les fibres musculaires rapides, un changement des voies métaboliques, remplaçant la voie lactique anaérobie typique par une voie aérobie plus efficace, laquelle est normalement associée aux fibres musculaires lentes», notent les chercheurs. Cette altération du métabolisme musculaire se traduit par une augmentation de la performance d'endurance chez les souris K.-O.. Elles sont ainsi capables de courir sur une distance 33 % plus longue avant d'atteindre l'épuisement.
Dans un second temps, les chercheurs ont cherché à savoir si la fréquence élevée du variant X pouvait venir d'une sélection naturelle. Ils ont examiné le gène chez 96 individus, un tiers européen, un tiers asiatique et un tiers africain. Comme dans de précédentes études, la fréquence de l'allèle X était de 55 % chez les Européens, de 52 % chez les Asiatiques, mais seulement de 9 % chez les Africains.
La région génomique entourant l'allèle X montre peu de variation génétique et de recombinaison chez les individus d'origine européenne et asiatique, ce qui suggère une forte sélection positive récente. Ainsi, propose l'équipe, l'allèle X aurait été sélectionné positivement chez les humains qui ont migré hors d'Afrique (il y a environ 40 000 à 60 000 ans). Le métabolisme musculaire plus efficace, dû à la perte d'alpha-actinine-3, leur aurait permis peut-être de s'adapter aux environnements plus froids et plus rudes de l'Europe et l'Asie.
MacArthur et coll. « Nature Genetics », 9 septembre 2007, DOI : 10.1038/ng2122.
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