UNE ÉQUIPE de recherche américaine vient de découvrir pourquoi notre intestin n’est que très rarement l’objet d’attaques auto-immunes, alors qu’il est rempli de bactéries et de cellules immunitaires : Shannon Turley et coll., du Dana Faber Cancer Institute (Boston), ont montré que l’intestin possède son propre système d’établissement de la tolérance immunitaire, fondé sur l’activité de cellules présentant des antigènes particulières qui étaient jusqu’à présent passées inaperçues. Ces cellules conduisent à l’élimination de tous les lymphocytes T CD8 susceptibles de s’attaquer à l’intestin.
La tolérance du système immunitaire vis-à-vis des antigènes du « soi » est essentielle au maintien de l’intégrité de l’organisme. Sa mise en place dépend principalement de la sélection négative intrathymique des lymphocytes T autoréactifs ; un processus qui implique des cellules présentant des antigènes spécifiques nommés mTEC (pour medullary Thymic Epithelial Cells). Cependant, ce système central de sélection des lymphocytes ne suffit pas à assurer une tolérance complète aux auto-antigènes. Il est donc relayé par des systèmes périphériques qui mettent généralement en jeu des cellules qui présentent des antigènes dendritiques, capables de parfaire « l’éducation » des cellules T dans les ganglions lymphatiques. Ces mécanismes d’acquisition périphérique de la tolérance immunitaire ont été étudiés dans des organes internes, en particulier dans le pancréas. Mais peu de données relatives au déroulement de ce processus au niveau de tissus qui sont en contact avec le milieu extérieur étaient jusqu’ici disponibles.
La présence de la flore intestinale.
Turley et coll. se sont intéressés au cas de l’intestin. Si l’épithélium intestinal est équipé de systèmes élaborés permettant de prévenir et de contrôler les réactions inflammatoires inopportunes, la présence de la flore intestinale exige que s’établisse une tolérance immunitaire particulièrement importante. L’hypothèse selon laquelle les cellules dendritiques participeraient à ce processus, comme dans les autres organes périphériques, restait difficile à soutenir : ces cellules avec antigènes sont en effet particulièrement sensibles aux facteurs microbiens et aux médiateurs de l’inflammation.
Les chercheurs ont étudié la question dans le modèle expérimental de la souris. Dans un premier temps, ils ont compris que l’activation des lymphocytes T CD8 par des antigènes associés aux cellules de l’épithélium intestinal se produit uniquement au niveau local, dans les ganglions lymphatiques et dans les tissus lymphoïdes associés à l’intestin. Ils ont démontré que la présence des antigènes des cellules de l’épithélium intestinal sur des cellules dendritiques n’est observable que dans les tissus lymphoïdes.
Turley et coll. sont alors partis à la recherche des cellules responsables de la présentation autoantigénique et de l’activation des cellules T dans les ganglions lymphatiques de l’intestin.
Des cellules stromales d’origine non hématopoïétique.
Une analyse tissulaire poussée les a conduits à l’identification de cellules jusqu’ici inconnues : il s’agit de cellules stromales, capables de présenter des antigènes et d’activer des lymphocytes, tout comme des cellules dendritiques, mais dont l’origine n’est pas hématopoïétique. Ces cellules stromales expriment le gène Aire, impliqué dans l’induction de la tolérance par les mTEC. Lors d’une dernière série d’expériences, les chercheurs américains ont montré que l’expression de ce gène et les autres caractéristiques de ces cellules présentant des antigènes inédits permettent l’élimination des cellules T réactives contre les antigènes intestinaux.
Les cellules stromales des ganglions lymphatiques de l’intestin constituent donc une nouvelle famille de cellules permettant d’induire la tolérance immunitaire. Elles jouent visiblement un rôle fondamental dans le fonctionnement de l’intestin, prévenant avec une grande efficacité les attaques auto-immunes de cet organe où les signaux pro-inflammatoires sont pourtant si fréquents.
Je-wook Lee et coll., « Nature Immunology », février 2007.
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