Le secret d'Elephant Man

Publié le 22/07/2001
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O N a d'abord cru que Joseph Merrick, mieux connu sous le nom d'Elephant Man, souffrait d'une neurofibromatose de type 1 ; en réalité, mais il s'agit d'un syndrome de Protée. Protée, le Dieu grec, avait la capacité de changer de forme pour tromper ses ennemis ; le syndrome de Protée (SP) est une entité complexe comprenant des hypertrophies hamartomateuses de divers tissus, des naevus de l'épiderme et du tissu conjonctif et des hyperostoses. Les signes cliniques, généralement présents à la naissance, peuvent persister ou progresser. Le diagnostic est porté sur l'aspect en mosaïque des lésions, leur caractère progressif et la survenue sporadique (une cinquantaine de cas dans le monde). La présence de naevus du tissu conjonctif est également pathognomonique.

Si le diagnostic du syndrome est facile, son étiologie n'en demeure pas moins incomprise. On a supposé qu'il s'agissait d'une anomalie en mosaïque des cellules somatiques (létale en dehors de la survenue en mosaïque). Des Américains se sont intéressés à une mutation des cellules germinales présentes dans deux autres syndromes caractérisés par des hamartomes congénitaux et qui présentent des points communs avec le SP (macrocéphalie, lipomatose, malformations vasculaires). Ladite mutation, située sur un gène impliqué dans l'embryogenèse et la suppression tumorale (PTEN), a été recherchée chez 14 personnes présentant un tableau de SP typique ou équivalent, aux Etats-Unis et en Europe. Une mutation germinale de novo du gène PTEN a été trouvée dans les deux groupes de patients (22 % des sujets SP et 60 % des autres). Malgré la petite taille de l'échantillon, la mise en évidence de cette mutation dans une affection aussi rare que le SP est tout à fait significative. La recherche de la mutation pourrait être un outil de diagnostic moléculaire de la maladie, d'autant que sa présence dans les autres syndromes s'accompagne d'un risque élevé de cancers (sein, thyroïde, endomètre). Elle permettrait par ailleurs d'orienter le conseil génétique car l'anomalie portant sur les cellules germinales est transmissible à la descendance.

Xiao-Ping Zhou et coll., « The Lancet », vol. 358, 31 juillet 2001.

Dr Catherine DESMOULINS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6954