Le scorbut, ancienne « peste des marins », qui est censé avoir disparu des pays développés depuis deux siècles, se retrouve au sein des populations précaires, chez qui il ne doit pas être méconnu.
Une étude réalisée en 2006 a montré la présence d’une carence en vitamine C (VC) chez 10 % des personnes recevant une aide alimentaire. Les symptômes apparaissent à partir d’un à trois mois d’une réduction des apports en VC (moins de 5 mg/j). L’apport quotidien doit être de 60 à 100 mg.
Le Dr Francès rapporte une étude prospective, réalisée dans deux centres de SDF, où il consulte en tant que médecin bénévole. Sur une période de deux ans, chez 1 328 consultants, le médecin a regardé systématiquement l’état de la bouche des patients et les a examinés de la tête aux pieds à la recherche de manifestations hémorragiques.
Le diagnostic d’hypovitaminose C a été porté chez 48 personnes. Environ la moitié des patients avaient moins de 40 ans, dont 20 % entre 18 et 30 ans. Du point de vue de la symptomatologie, tous les cas présentaient des atteintes des gencives : gingivorragies, hypertrophie gingivale, gingivites et/ou pertes dentaires. Les symptômes hémorragiques étaient au premier plan chez 35,5 % des personnes : gingivales, pétéchies, purpura sur les membres. Et 31,5 % accusaient une asthénie avec des myalgies et des arthralgies.
Les facteurs associés ont également été évalués. Les facteurs psychiques accompagnent 83,4 % des cas, une intoxication éthylique 41,7 % et une intoxication tabagique 94 %. Par rapport au total des cas recensés, 73 % ont bénéficié d’un diagnostic biologique et seuls 25 % avaient une couverture sociale. Le dosage de la VC n’est pas pris en charge par notre système social.
L’auteur note que, même si le travail pêche par un effectif restreint, « il permet de mettre en lumière une pathologie que nous pensions avoir oubliée ». Des cas peuvent d’ailleurs avoir été omis.
Sa recrudescence est favorisée par des modifications des régimes alimentaires au sein de notre société de consommation : fréquentation des fast-foods, surgelés, absence de denrées fraîches… Le tabagisme est consommateur de VC.
« Le scorbut n’est plus une pathologie des navigateurs, c’est devenu une pathologie terrestre liée à l’exclusion. » Le diagnostic repose avant tout sur la clinique. L’auteur appelle à une éducation des populations défavorisées, et aussi des personnes qui s’occupent des repas dans les foyers de SDF, des associations alimentaires (restos du cœur, banque alimentaire) et des épiceries solidaires pour ne pas oublier les fruits et légumes frais.
Fait inquiétant aussi : on a trouvé aussi chez des adolescents américains, qui ne sont pas en situation précaire mais s’alimentent de manière très sélective, des carences avérées en VC.
Communication du Dr Pierre Francès (Banyuls sur Mer) au Congrès de Recherche en médecine générale de Nice.
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