CERTES, ça n'est pas un sondage, mais la majorité des généralistes, que « le Quotidien » a interrogés, ne paraissent pas franchement enthousiastes, s'agissant de cet accrod conventionnel.
Sur la philosophie générale du texte, le Dr Florent Voisin, généraliste dans le Jura, explique que « tout ça me laisse perplexe. Je ne vois pas, dans les dispositions annoncées, où se situe l'amélioration du service rendu au patient, ni comment vont être réalisées les économies annoncées ».
De son côté, le Dr Nabil Madi, en Mayenne, n'est « au courant de rien. De toute façon, ce que j'en pense n'intéresse pas grand monde, je ne pèse pas bien lourd dans la balance ». Pour le Dr David Ménard, du Calvados, « Une fois de plus, on a signé un texte conventionnel imparfait, voté par des syndicats non représentatifs ». De plus, toujours selon lui, « dans les négociation conventionnelles, on a toujours favorisé soit les généralistes, soit les spécialistes, jamais tout le monde ensemble. C'est ce qu'on appelle diviser pour régner. En fait, c'est un accord conventionnel que je ne comprends pas, qui met en place un nouveau système de médecin référent sans en avoir les vertus ».
Un sentiment partagé par le Dr Florence Matine, exerçant à Paris en secteur I, pour qui « les conventions, c'est toujours pareil, les vrais problèmes n'y sont jamais résolus ». Tandis que le Dr Thierry Bezagu, en Charente-Maritime, résume d'une phrase le sentiment général : « Globalement, quand on voit l'ensemble de l'accord, il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser. »
Sur le plan des rémunérations, la tonalité est identique. Le Dr Yves Decoster, qui exerce dans le Nord, juge n'avoir pas bien compris ce qui attend les généralistes, « mais a priori il n'y a rien pour nous ». Pour le Dr Florence Matine, « sur les revalorisations d'honoraires, je n'ai entendu parler que des spécialistes, il n'y a rien pour les généralistes ». Le Dr Ménard estime que, « sur la rémunération, les généralistes vont y perdre, nous sommes quand même les oubliés de la négociation. Ce n'est pas la faute des spécialistes, c'est une volonté délibérée du pouvoir. De plus, dans cette convention, rien n'est prévu pour aider financièrement les médecins qui doivent mettre leur lecteur de carte Vitale au nouveau format 1.4. Ça représente une dépense de 50 euros au minimum par médecin, non pris en charge par la Sécu. Je vais arrêter de télétransmettre ».
De son côté, le Dr Rémi Bernard, exerçant en Gironde, se fait plus précis : « J'aurais souhaité des revalorisations différentes : forfait pédiatrique, affections longue durée, tout ça est compliqué à évaluer, ce qu'ils nous donnent d'un côté, ils vont nous le reprendre de l'autre. » Quant au Dr Bezagu, ce qui lui « déplaît le plus » dans cette convention, « c'est le fossé financier qui continue de se creuser entre généralistes et spécialistes, avec l'aval de ces derniers, ça me choque. Aujourd'hui, les généralistes constituent une spécialité comme les autres. Pourquoi y a-t-il toujours plus de différences d'honoraires ? »
Divergences sur le médecin traitant.
En revanche, le dossier du médecin traitant divise un peu les généralistes, même si le scepticisme domine. Le Dr Voisin n'y voit rien de bon : « J'ai compris qu'on voulait faire de nous, les généralistes, des régulateurs d'accès aux spécialistes, voire même des gestionnaires de santé. » Dans le Nord, le Dr Decoster se fait philosophe : « Le système du médecin traitant me paraît bien compliqué. Mais pour moi, ça n'a pas beaucoup d'importance du moment que ça ne perturbe pas mon mode de fonctionnement. » De son côté, le Dr Ménard voit « poindre la menace de la capitation à l'anglaise. De plus, la filière de soins me paraît faussée : les généralistes sont-ils vraiment incapables de soigner en direct une cystite ou une vaginite ? Et pourquoi bloquer l'accès aux rhumatologues ? Il y aura des effets pervers au système du médecin traitant : sans être mauvaise langue, les spécialistes auront tendance à privilégier l'accès direct. » Le Dr Matine n'y croit pas plus : « Le médecin traitant, mes patients m'en parlent beaucoup, ils ne comprennent pas la raison de tout ça. Ça ne changera rien au nomadisme médical, et ça ne va créer aucune économie. »
Mais deux médecins reconnaissent malgré tout des qualités au principe du médecin traitant. Le Dr Bernard est plutôt confiant : « Le médecin traitant, je trouve ça plutôt bien, surtout en ville où les patients avaient pris l'habitude de consulter comme ils le veulent. » Un avis que partage le Dr Bezagu, bien qu'il ne se fasse guère d'illusions : « Le médecin traitant, avec le passage obligé avant consultation d'un spécialiste me paraît un objectif raisonnable, même si tout ça fait un peu usine à gaz. Mais va-t-on arriver à raisonner les patients ? J'ai peur que l'impact ne soit très faible. »
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