Presque trois mois après « leur » catastrophe (21 septembre), des milliers de Toulousains vivent dans des conditions précaires.
Des familles, dont les logements ont été détruits, ont pu être placées dans des logements de fortune ; d'autres ont payé de leur poche, parce qu'elles en avaient les moyens, les travaux nécessaires pour qu'elles fussent à l'abri du froid et de la pluie. Quant à ceux qui n'étaient pas en mesure de faire face aux frais, ils attendent... un miracle.
Or, l'explosion de l'usine de Toulouse est un désastre sans précédent qui exigeait du pays tout entier une réponse à la mesure des dégâts causés et du nombre de victimes. Aujourd'hui, les Toulousains peuvent se dire, non sans amertume, qu'on les abandonne au système D.
Priorités bizarres
L'explosion et ses très lourdes conséquences n'ont pas été traitées par les pouvoirs publics avec le zèle, ou tout au moins l'énergie, qu'elles requéraient. Sur les lenteurs de la procédure de réparation, on a fourni aux infortunés sinistrés des explications juridiques, administratives et techniques qui n'ont pas de commune mesure avec le malheur qui les accable ; on a vu aussi ce gouvernement très absorbé par des conflits sociaux pour lesquels il a promptement trouvé l'argent de l'apaisement.
Le scandale, aujourd'hui, vient de l'ordre des priorités : comment est-il possible qu'on n'ait pas considéré la catastrophe comme une urgence nationale, qu'on n'ait pas aussitôt débloqué de généreux crédits, qu'on ne se soit pas dépêché de reloger tous les Toulousains sans exception dans des appartements décents, qu'on n'ait pas veillé à réhabiliter le plus vite possible les centres de soins, les écoles et tous les services en général au moins avant la fin de l'automne ?
Les responsables
Le gouvernement est responsable de ses administrés. Si d'inévitables conflits sont apparus au niveau des indemnisations, il appartenait à l'Etat, au nom de la solidarité nationale (dont il a fait un ministère et dont il se gargarise tous les jours) de faire les avances nécessaires, quitte ensuite à se faire rembourser par des décisions de justice.
Quoi qu'il en soit, des jugements qui seront rendus - pas avant plusieurs années -, il est impossible d'écarter la responsabilité de TotalElfFina dans cette affaire. C'était une usine du groupe, elle a volé en éclats, et qu'il s'agisse d'une erreur humaine ou de la fatalité, il appartenait au groupe de débloquer de larges crédits, ce qui ne l'empêchait pas de se retourner plus tard contre les compagnies d'assurances.
Autrement dit, tous ceux qui avaient dans cette affaire l'occasion de montrer un peu de générosité se sont repliés frileusement sur le droit, un droit qui a été bien utile pour protéger leurs intérêts et qui a accablé un peu plus les victimes. Que M. Desmarets, le P-DG de TotalElfFina, société déjà compromise par le naufrage de « l'Erika », se soit abrité derrière des clauses juridiques et administratives apparaît aux yeux des Toulousains comme le comble du cynisme. Elf a fait l'an dernier un bénéfice de 52 milliards de francs. Qu'on ne nous dise pas qu'elle était incapable d'aligner quelques milliards sur la table pour parer au plus pressé, tout en se réservant le droit de récupérer une partie de cette somme auprès des payeurs que la justice aurait désignés ultérieurement. Que le gouvernement ne nous dise pas qu'on ne trouve plus assez de charpentiers et d'ouvriers de toutes sortes pour réhabiliter les immeubles et maisons endommagés. Dans une situation d'urgence nationale, on lance un appel à tous les ouvriers de France, on leur paie une prime exceptionnelle, on paie leur déplacement et leur logement et on en fait venir des centaines sur les lieux du sinistre. Si on veut, on peut.
Les « explications » qu'on donne aux Toulousains font bon marché de leur inconfort et, pour beaucoup d'entre eux, de leur souffrance, du chômage entraîné par le désastre, des difficultés de chaque habitant pour reconstruire, avec les moyens du bord, une existence normale. Toulouse méritait mieux que ce que la France lui a offert.
On n'est donc pas étonné qu'un groupe de quelques Toulousains se soit rendu dans une des demeures de M. Desmarets pour en enlever les portes et les fenêtres sous les yeux des gendarmes qui n'ont pas bronché. Cette fois, les casseurs avaient raison et étaient inspirés par une rage bien plus légitime que celle de José Bové.
Deux fois lâche
Il n'empêche que le gouvernement aura été deux fois lâche : la première fois, parce que les secours apportés aux victimes étaient insuffisants ; la deuxième, parce que, conscient de sa lâcheté, il a laissé se produire une expédition punitive qu'il lui était très facile d'étouffer dans l'uf, qui constitue une atteinte à la propriété privée et qui démontre, en définitive, que le pouvoir assiste à ce qui se passe dans le pays qu'il administre comme s'il n'était pas directement concerné.
Ce gouvernement, qui, selon l'opposition, lâche chaque jour un milliard pour apaiser les mécontentements sociaux, n'a pas trouvé les ressources qui auraient atténué les difficultés des victimes. Il préfère que le peuple en colère désigne un coupable et se fasse justice soi-même. C'est consternant.
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