Cinq mois après leur fermeture, les filières de soins expérimentales de Groupama, qui ont réuni pendant trois ans sur la base du volontariat une centaine de médecins généralistes et 3 700 assurés affiliés à la Mutualité sociale agricole (MSA), font l'objet d'un décorticage en règle. Le bilan est, pour Groupama, qui publie un « rapport final », plutôt satisfaisant.
Bref rappel. Groupama a été le seul assureur privé autorisé par les pouvoirs publics, dans le cadre des ordonnances Juppé de 1996, à tester une filière de soins dérogeant aux règles de l'assurance-maladie. Baptisée « Groupama Partenaires Santé », l'opération était destinée à « améliorer la qualité du système de soins ambulatoires ». Elle a commencé le 1er février 2000, dans trois régions rurales (12 cantons du département de l'Allier, 11 cantons des Côtes-d'Armor et 14 cantons des Pyrénées-Atlantiques). Les médecins participant, rémunérés au forfait (789 euros pour les 18 premiers mois de fonctionnement de la filière), ont participé à des « cercles de qualité » ou « groupes progrès » au sein desquels ils ont partagé leurs expériences, proposé des solutions pour améliorer leur pratique. Dans leurs cabinets, ils ont mis en uvre les protocoles de qualité définis en commun. Quant aux patients, restant totalement libres de consulter qui bon leur semblait, ils se sont engagés à adopter un comportement responsable et ont bénéficié du tiers payant intégral dès lors qu'ils consultaient l'un des médecins de la filière.
Pour Groupama, tous les objectifs sont atteints.
« Cette expérimentation, affirme le rapport, s'est traduite par une amélioration de la qualité des pratiques, une réduction des dépenses et une satisfaction très forte de tous ses participants. » Du côté des médecins, plusieurs motifs de contentement ressortent, au rang desquels l'auto-évaluation de la pratique (qui a permis, par exemple, une « rationalisation de la prescription d'antibiotiques dans les infections respiratoires supérieures » ou encore un « examen critique des ordonnances des personnes âgées polymédiquées »), les échanges structurés avec d'autres professionnels de santé, l'application d'actions d'information et de sensibilisation des patients, le dialogue avec les médecins conseils (de la MSA ou de Groupama). L'assureur relève que le tiers payant, auquel de nombreux médecins étaient au départ hostiles, « a fonctionné à la satisfaction des médecins, y compris de ceux qui y étaient opposés ». Au total, selon une enquête Groupama, plus de 80 % des médecins adhérents portaient en 2001 un jugement positif sur l'opération. Le pourcentage monte un cran plus haut chez les assurés, qui sont à 96 % très satisfaits et satisfaits de l'expérimentation. A noter : si le tiers payant n'était pas, au départ, un élément déterminant dans la décision des usagers d'entrer ou non dans la filière, il est devenu particulièrement apprécié à l'usage (au bout de dix-huit mois, 94 % des assurés ont trouvé très utile ou utile d'en bénéficier) et n'a pas eu d'effet inflationniste sur la consommation de soins. Bien au contraire puisqu'une baisse des prescriptions a été constatée, qui n'a « pas été ressentie comme un inconvénient » par les patients.
Des dépenses en baisse
Disponibles uniquement pour les Pyrénées-Atlantiques et les Côtes-d'Armor, les résultats économiques de l'expérimentation (qui a tout de même coûté plus de 750 000 euros à Groupama) sont loin d'être neutres. Dans le premier département, les dépenses totales (honoraires et prescriptions) réalisées au sein de la filière ont diminué de 2,5 % (parallèlement, hors filière, dans un groupe témoin constitué pour l'occasion, elles augmentaient de 7,5 %) ; dans le second, les dépenses ont chuté de 5,4 % à l'intérieur de la filière (elles ont augmenté de 3,3 % à l'extérieur). Devant cette « modération » des dépenses de santé, Groupama avance plusieurs hypothèses. L'évolution « clairement déflationniste » des pratiques des généralistes adhérents en fait partie, mais aussi le changement de regard de ces mêmes médecins sur leur profession. Par le biais des cercles de qualité, les médecins auraient « "pris de la hauteur" par rapport à la routine de leur exercice solitaire », ils auraient aussi adopté « une distance critique par rapport aux messages qu'ils reçoivent, notamment de l'industrie pharmaceutique ». En contact régulier avec les médecins-conseils, ils auraient par ailleurs « intégré une démarche médico-économique plus consciente de leur exercice ». Ils se sont enfin peut-être, avance Groupama, « sentis plus libres de résister à la pression inflationniste de certains patients ».
Groupama n'oublie pas qu'il rend son rapport public à quelques mois de la réforme annoncée de la Sécurité sociale. Alors l'assureur privé l'écrit noir sur blanc : les « résultats » obtenus dans l'Allier, les Côtes-d'Armor et les Pyrénées-Atlantiques « devraient encourager les acteurs en charge du système français à examiner la question d'une extension de la méthode utilisée et les possibilités de déclinaisons locales de cette expérimentation ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature