« Salomé » de Richard Strauss en DVD

Le sans-faute de Luc Bondy

Publié le 28/09/2003
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Classique

De par sa concision et l'efficacité de sa dramaturgie, l'opéra en un acte « Salomé », composé en 1905 d'après la pièce d'Oscar Wilde, est idéal pour le film. Richard Strauss, pourtant toujours bavard, n'a jamais été aussi bien elliptique que dans ce sujet biblique.

Deux grandes interprètes du rôle-titre, Maria Ewing et Catherine Malfitano, voient leurs performances immortalisées par le DVD. La première à l'Opéra royal Covent Garden de Londres dans une mise en scène de Peter Hall en 1992 (1), l'autre dans la production légendaire de Luc Bondy qui, après sa création à Salzbourg en 1992, a fait le tour d'Europe (Paris l'a vue au Châtelet en 1997) avant d'être filmée, également au Covent Garden (2).
La production de Peter Hall, dans un décor assez stylisé et pointilliste, est assez lourde, les acteurs y jouent médiocrement et elle ne mérite l'intérêt que pour la performance de Maria Ewing. Elle sait jouer la femme enfant mais aussi rester statique pendant une bonne partie de l'opéra avec des expressions du visage extraordinaires. Sa « Danse des sept voiles » très élaborée s'achève dans une nudité complète.
Vocalement elle assure totalement la difficulté et la complexité du rôle. Kenneth Riegel, s'il joue bien un Hérode aviné, n'a pas encore la présence qu'il aura dans la production de Bondy. La direction d'Edward Downes est excellente, dramatique et très soucieuse des détails instrumentaux.
Les passionnés pourront rechercher deux autres « Salomé » parfois disponibles en importation, au gré du marché. Celle du « Liceo » de Barcelone avec Montserrat Caballé fascinante par la beauté vocale de l'artiste mais scéniquement plus discutable. Pour Teresa Stratas, autre immense interprète de la princesse de Judée, et uniquement pour elle, le film façon péplum réalisé par Goetz Friedrich en studio par Unitel en 1974, le premier historiquement, mérite d'être recherché malgré la grande statique de l'ensemble.

Version absolue

Avec Luc Bondy c'est le sans-faute parfait. La direction d'acteurs est une réussite de chaque minute, chaque personnage jouant vraiment son rôle dans un décor d'une grande poésie. Tous, y compris les utilités, sont superlatifs : Kenneth Riegel et Anja Silja, couple royal ivre et décadent, l'extraordinaire Jochanaan de Bryn Terfel géant autant imposant vocalement que physiquement, le Naraboth désespéré de Robert Gambill (devenu aujourd'hui un considérable Tristan) et surtout la Salomé de Catherine Malfitano. Elle fait oublier qu'elle est un peu âgée pour incarner la frêle princesse, avec une ingénuité vocale, une présence scénique énorme et l'indispensable grain de folie. Christoph von Dohnányi donne une rare unité à toutes ces individualités si marquées. La perfection, le cas est trop rare pour le laisser passer !

(1) 1 DVD PAL Pionner (distribution Loreley). 104 min. sous-titrage français.
(2) 1 DVD NTNC Decca Universal. 109 min. sous-titrage français.

Olivier BRUNEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7392