Livres
«R OMAN médical » est le terme que le docteur Jean-Jacques Charbonier, anesthésiste-réanimateur, a souhaité voir figurer sur la couverture de son premier ouvrage qui a évidemment pour thème un « Coma dépassé » (1).
S'agissant de personnes « endormies », c'est pourtant un récit particulièrement mouvementé qu'il offre avec poursuites, coups de feu, meurtre à la seringue et surtout communication avec l'au-delà, le tout saupoudré d'érotisme. Car c'est en faisant l'amour que Pascale, depuis une expérience de NDE au cours d'une noyade, a des visions et des prémonitions qui impliquent, notamment, le médecin qui l'a ranimée. Tout cela est un peu compliqué mais se tient si l'on accepte le postulat de l'auteur, de personnages pris dans l'engrenage de leur logique.
Avant même de publier son premier roman, « On n'oublie jamais » (2), Jacques Dadoun était une figure à Saint-Martin-Vésubie, village surnommé on le sait la « petite Suisse niçoise »; non seulement parce qu'il exerce comme médecin généraliste depuis une dizaine d'années, mais aussi parce qu'il est connu comme peintre, pianiste et auteur de bandes dessinées.
Il ajoute aujourd'hui une corde à son arc en se lançant dans le roman policier, un récit classique où la victime est une belle et riche jeune femme qui était censée n'avoir aucun ennemi et l'inspecteur, un vieux cheval de retour auquel on n'en conte pas et qui ne se laissera pas prendre aux indices sciemment semés et aux preuves a priori irréfutables. L'histoire est aussi celle de deux hommes meurtris par la vie et qui ont en commun une vengeance à mener mais dont l'un aime et l'autre tue.
Premier polar aussi pour un certain Ange Reverdito - pseudonyme sous lequel se cache, à peine, une jeune femme d'origine corse, médecin gynécologue en Seine-et-Marne - qui édite « Rue de la Guimbarde » en même temps sur Internet et sur papier (3).
Ce n'est pas dans l'île en ébullition mais dans la petite ville de Joigny réputée pour sa tranquillité, que se situe l'action : l'assassinat, à quelques jours d'intervalle, d'une pharmacienne et d'une infirmière ! Deux autres femmes, la première gendarme, la seconde, médecin amie des deux victimes, mènent l'enquête sur fond de rumeurs et ragots très provinciaux. Le monde médical n'est pas plus épargné que celui de la politique ou des affaires, moins peut-être...
En marge de ces polars, marquons une pause avec le nouveau livre de Louis Pouliquen - l'auteur des « Marées d'équinoxe », prix Littré en 1998 - qui, avec « Mon vieux grenier en Bretagne » (4), donne une nouvelle page de ses souvenirs autobiographiques commencés avec « le Temps des campanules » et « le Temps des soutanes ».
S'il a mené toute sa carrière en tant que chirurgien et cancérologue à l'Hôtel-Dieu à Paris, Louis Pouliquen n'a rien oublié de sa Bretagne natale, de son enfance rurale dans le Finistère dont il restitue l'atmosphère en brossant les portraits des siens, en racontant des anecdotes et en dessinant des paysages oubliés. Dans une langue « artisanalement » travaillée qui en fait un véritable conteur.
Du côté des traductions, le roman le plus noir est certainement « les Rois écarlates » (5) de Tim Willocks. Cet auteur de plusieurs « polars » atypiques, à la frontière du gothique, dont « Bad city blues » paru dans la même collection, est psychiatre à Londres, spécialisé dans le traitement des toxicomanes.
Un psychiatre est aussi l'un des deux tristes héros principaux, avec une riche femme d'affaires, de ce récit étouffant et diabolique ; tous les deux sont des marginaux reclus dans la haine de soi et des autres ; ils ne se sont jamais rencontrés, jusqu'au jour où une lettre va les entraîner dans un cataclysme de vengeances et de violences. Autour d'eux gravitent de multiples autres personnages tout aussi détraqués, pervers, malheureux.
A peine moins glauque est « le Monstre » de « Jonathan Kellerman » (6), un spécialiste réputé en matière de psychologie enfantine.
Son roman n'a rien d'enfantin, qui a pour cadre le Starkweather State Hospital, un établissement pour criminels atteints de maladie mentale, trop fous pour être condamnés, soit 1 200 assassins mis dans l'incapacité de nuire par l'injection massive de médicaments.
Sauf que le docteur Claire Argent qui travaillait dans cet hôpital, a été retrouvée atrocement mutilée dans le coffre d'une voiture. Que l'un de ces pervers avait quasiment annoncé sa disparition. Et que d'autres meurtres s'annoncent. Encore une balade au bout de l'horreur, même si les monstres ne sont pas toujours ceux que l'on pense...
(1) Editions CLC (BP 5, 38970 Corps), 218 p., 120 F (18,29 euros).
(2) Editions France Europe (9, rue Boyer, 06300 Nice), 209 p., 98 F (14,96 euros).
(3) Editions ID Livre.Com (41, rue de Liège, 75008 Paris), 408 p., 109 F ou téléchargement sur http:/www.idlivre.com/ange.reverdito.
(4) Editions Coop Breizh (02.98.93.83.14), 200 p., 111,50 F (17 euros).
(5) Editions de l'Olivier, 475 p., 130 F (19,82 euros).
(6) Editions du Seuil, 414 p., 125 F (19,06 euros).
« Touche pas à mes deux seins », de Martin Winckler
De « la Maladie de Sachs » au Poulpe
Martin Winckler, honorable médecin généraliste et écrivain hors normes qui alterne essais sur la médecine et sur les séries télévisées, nouvelles de science-fiction et de littérature policière, est décidément surprenant : après avoir fait l'unanimité avec son deuxième roman, « la Maladie de Sachs » - succès renforcé par l'adaptation cinématographique de Michel Deville -, il a choisi le Poulpe, héros populaire s'il en est, et une édition de poche, Baleine, pour écrire et publier son premier polar.
Rappelons que le Poulpe, qui a vu le jour en 1995 sous la plume de Jean-Bernard Pouy (« La petite écuyère a cafté ») est une sorte de héros récurrent que mettent en scène chaque fois des auteurs différents, et pas des moindres, au gré de leur imagination et de leur sensibilité.
S'il arrive souvent que les Poulpes se rapprochent des pamphlets politiques, ce n'est pas le cas de ce roman noir qui est aussi un roman à énigme, dans lequel Martin Winckler aborde un thème qui, reconnaît-il, lui est cher : celui du pouvoir médical.
Le prologue montre ainsi un professeur agrégé de gynécologie-obstétrique et spécialiste-internationalement-reconnu-de-la-chirurgie-cancérologique-et-réparatrice-du-sein, dans toute sa grandeur et son horreur - condescendant avec les internes, ne supportant pas la contradiction des étudiants, méprisant le personnel hospitalier autant que les malades, mais soignant son image à la télévision afin de promouvoir son dernier ouvrage, et accessoirement trompant sa femme avec l'épouse d'un confrère et ami après avoir absorbé la petite pilule qui lui permettra d'honorer sa compagne sans faille...
On apprend tout cela en moins de dix pages, car deux balles, dont une mortelle, mettent fin à la carrière du fameux grand patron.
A partir de là, Martin Winckler a écrit une histoire policière mais aussi sentimentale avec un retour sur les premières amours du Poulpe et sa vie avec ses amis vingt ans auparavant, dont un certain Bruno Sachs, car l'auteur a tout simplement introduit son personnage dans l'histoire. Un vrai polar actuel et effrayant.
Editions Baleine, 195 p., 39 F.
Confidences pour confidences
Confidence pour confidence, Khadi Sy Bizet est médecin ; et après avoir publié un document intitulé « le Livre de la beauté noire » dans lequel elle s'intéressait surtout à l'aspect extérieur de la personne, elle nous livre aujourd'hui, dans « Confidences érotiques des grandes noires et des petites blanches », le fond du fond de l'âme des femmes et, incidemment, de leurs compagnons.
Son héroïne, Myriam, est non seulement une belle métisse née de mère bretonne et de père sénégalais, une jeune femme comblée par un mari et deux garçons, mais elle exerce aussi le passionnant métier d'esthéticienne, mieux, de prêtresse de la beauté des femmes et magicienne de leurs métamorphoses. Et ses clientes se sentent tellement bien qu'elles lui racontent leur vie et leurs secrets les plus intimes, sans parler de Sandra de Marseille, Béatrice l'eurasienne, Muriel la Martiniquaise et Cristelle venue d'Haïti, ses amies, qui n'en finissent pas de bavarder.
D'où cette chronique de quelques semaines de la vie sentimentale de jeunes citadines d'aujourd'hui, toutes désireuses d'aventures hors des sentiers battus, dans leur quête éternelle du bonheur. Rien de nouveau sous la grisaille parisienne néanmoins quelque peu éclairée par la bonne humeur de l'auteur, qui est en soi un baume réparateur.
Editions JC Lattès, 235 p., 119 F (18,14 [219])
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature