La compréhension de la sécrétion sudorale fait appel au concept de complexe glandulaire. L'hyperhidrose a un retentissement non négligeable sur la qualité de vie. Revue de quelques découvertes récentes…
IL EXISTE différents types de glandes sudoripares. Les glandes à sécrétion eccrine, ubiquitaires, sont les plus nombreuses. Présentes dès la naissance, elles sont classiquement considérées comme responsables de la sécrétion de la sueur. Mais une analyse microscopique conjointe à l'étude de l'ultrastructure des glandes sudoripares axillaires a très récemment permis à K. Wilke et coll. la reconstruction de modèles de glandes en trois dimensions (1). Cette étude originale a permis de constater que les autres sortes de glandes, apocrines et apoeccrines, ne sont pas distribuées en des zones différentes, comme on le pensait, mais sont étroitement imbriquées aux glandes eccrines. Il revient ainsi à K. Wilke et coll. d'avoir fait émerger le concept de « complexe glandulaire » dont font partie les glandes à sécrétion apocrine et les glandes apoeccrines. Ces dernières proviennent des glandes eccrines et ont une structure hybride qui associe des caractéristiques des glandes eccrines et apocrines. Leur absence au niveau axillaire semble impliquée dans la physiopathologie de l'hyperhidrose (2).
Des causes variées.
Des travaux publiés en 2002 ont mis en évidence le rôle de l'aquaporine 5 dans la physiologie des glandes sudorales (3). Les aquaporines sont des canaux hydriques membranaires. Leur localisation est ubiquitaire et chaque isoforme possède une expression spécifique qui détermine sa fonction. L'aquaporine 5 est la seule qui soit exprimée dans les glandes sudorales des souris. La réponse sudorale s'effondre chez les animaux qui en sont dépourvus. Cela indique que cette aquaporine a un rôle majeur dans la sécrétion sudorale et suggère des pistes thérapeutiques pour le traitement des hyperhidroses chroniques.
Sur le plan étiologique, les hyperhidroses généralisées peuvent répondre à des causes variées, notamment endocriniennes, neurologiques, tumorales, infectieuses, cardio-vasculaires, respiratoires, médicamenteuses ou toxiques. Mais la maladie de Parkinson, le syndrome des apnées du sommeil et le reflux gastro-oesophagien méritent d'être particulièrement mis en évidence. Des hyperhidroses régionales (ou diffuses non généralisées) peuvent révéler une affection bénigne ou maligne du système nerveux central ou périphérique et il existe des hyperhidroses localisées secondaires à des hyperplasies eccrines (hamartome eccrine).
Hyperhidrose, anxiété et phobie sociale.
Une hyperhidrose localisée primitive est définie par une sudation excessive durant plus de six mois, sans cause apparente. Deux critères complémentaires au moins sont nécessaires au diagnostic : sudation bilatérale et relativement symétrique, au moins une fois par semaine, gênante dans la vie quotidienne, ayant commencé avant l'âge de 25 ans, antécédent familial et/ou, enfin, arrêt de la sudation la nuit. Une étude épidémiologique réalisée aux Etats-Unis a montré que les antécédents familiaux sont présents chez 44 % des malades (4). L'âge de début de la maladie est de 14 ans en moyenne, pour un âge de consultation de 29 ans en moyenne. Cette étude a mis en évidence une prédominance féminine (dans 62,8 % des cas) et une nette prédominance des formes axillaires, qui représentent 73 % des cas dans ce travail. Le retentissement de la maladie, enfin, a été modéré à sévère chez plus de 71 % des malades qui avaient un score de 3 ou 4 sur l'échelle de gravité HDSS (Hyperhidrosis Disease Severity Scale). Les facteurs déclenchants de l'hyperhidrose crâniofaciale sont l'alimentation, l'exercice et la chaleur. Ceux de l'hyperhidrose palmaire sont le stress et l'anxiété. La responsabilité du psychisme dans cette affection est fréquemment évoquée. Elle est en effet souvent associée à des symptômes de type anxieux. Mais cette hypothèse n'a pas fait l'objet de validation par des études, même si elle est habituellement évoquée dans les traités de référence en psychiatrie, les auteurs faisant part de leur expérience personnelle et de l'efficacité de la psychothérapie, tout comme celle de la sympathectomie sur les signes du syndrome d'anxiété et de phobie sociale. Enfin, la maladie a un retentissement certain sur la qualité de vie. L'hyperhidrose est par ailleurs fréquente au cours de la phobie sociale (6). Le traitement médicamenteux de cette dernière a un effet variable sur l'hyperhidrose et son traitement comportemental est sans effet. Elle affecte les activités professionnelles et quotidiennes de la vie courante, le bien-être, et les relations personnelles et est ainsi une maladie potentiellement sévère (7).
Au total, l'hyperhidrose n'est pas une maladie psychique, même si certains cas peuvent être associés à l'anxiété et à la phobie sociale. Le traitement de cette dernière peut améliorer l'hyperhidrose au retentissement non négligeable sur la qualité de vie, ce qui en fait une maladie invalidante.
D'après la communication de P. E. Stoebner, M. Dandurand et L. Meunier.
(1) Wilke K et coll. A strategy for correlative microscopy of large skin samples : towards a holistic view of axillary skin complexity. « Exp Dermatol » 2007 : 17 (1) : 73-81.
(2) Bovell DL et coll. The absence of apoeccrine glands in the human axilla has disease pathogenetic implications, including axillary hyperhidrosis. « Br J Dermatol » 2007 ; 156 (6) : 1278-86.
(3) Nejsum LN et coll. Functional requirement of aquaporin-5 in plasma membranes of sweat glands. « Proc Natl Acad Sci » 2002 ; 99 (1) : 511-6.
(4) Lear W et coll. An epidemiological study of hyperhidrosis. « Dermatol Surg » 2007 ; 33 : S69-75.
(5) Ruchinskas RA et coll. The relationship of psychopathology and hyperhidrosis. « Br J Dermatol » 2002 ; 147 (4) : 733-5.
(6) Davidson JRT et coll. Hyperhidrosis in social anxiety disorder. « Prog Neuro-PsychopharMacol Biol Psychiatr » 2002 ; 26 : 1327-31.
(7) Hamm H et coll. Primary focal hyperhidrosis « Dermatology » 2006 ; 212 : 343-53.
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