LE PROBLÈME est de savoir si le dépistage cytologique seul est suffisant. En France, ce dépistage n’est pas organisé, sauf pour quelques départements, comme le Bas-Rhin (73,2 % de couverture). Ailleurs, il est individuel, opportuniste, spontané, mais largement répandu : 60 % de la population féminine est couverte : 50 % entre 50 et 55 ans, 20 % seulement au-delà de 60 ans.
Une étude de Baldauf à Strasbourg a montré que les causes d’échec, donc les diagnostics de cancer, survenaient dans 37,2 % des cas en absence du dépistage, 32,6 % chez les femmes qui avaient laissé un intervalle supérieur à 3 ans entre deux frottis, 18,2 % en cas de prise en charge inadéquate des frottis anormaux. Seulement 10 % des femmes ayant eu un cancer du col avaient eu un frottis normal dans les trois ans qui précédaient l’examen.
Les frottis cytologiques sont simples à pratiquer et peu coûteux. Deux techniques sont utilisées : celle dite classique et celle en phase liquide.
La spécificité de cette seconde méthode est excellente, mais sa sensibilité est insuffisante, si on la compare à la recherche de l’HPV : pour Cuzik (The « Lancet », 2003), 76,6 % pour les frottis, contre 97 % pour le test HPV.
Comment améliorer ces résultats ? Il n’y a pas de preuve que les frottis en phase liquide soient plus fiables que les classiques (Davey, « The Lancet » 2006). Doit-on abandonner les frottis, doit-on pratiquer un test HPV en dépistage et un frottis en suivi, doit-on associer les deux ?
Histoire naturelle du cancer du col.
La maladie est une infection sexuellement transmissible (IST), dont l’agent étiologique est le Papillomavirus humain (HPV). Les populations à risque sont porteuses de l’HPV.
L’HPV est dépisté par test. Plusieurs techniques sont actuellement à la disposition des laboratoires d’analyses : le Southern blot, la PCR et l’immunocapture. Le test Digene utilise l’immunocapture. Il détecte 13 types d’HPV oncogènes dits à haut risque dans les cellules cervicales (16-18-31-33-35-39-45-51-52-56-58-59-68).
C’est un examen reproductible.
La recherche d’HPV est plus sensible que la cytologie pour identifier les lésions de haut grade, plus sensible pour trier les ASCUS. L’absence d’HPV pourrait, dans un avenir proche, permettre la pratique d’un vaccin de rattrapage et ainsi espacer le dépistage.
Si le test est positif, il nécessite une colposcopie associée ou non à une biopsie. La périodicité du frottis serait annuelle en cas de persistance du virus.
Le vaccin ne constituera pas la seule prévention. Winer RL et coll. (« New Engl J Med », 2006) ont montré le rôle important du préservatif dans la diminution de la transmission de l’HPV.
Le vaccin va diminuer l’infection par l’HPV de 70 à 80 %. Pour P. Lopes, les frottis seront de moins en moins adaptés au dépistage primaire.
La pratique du test HPV seul ne répondra pas aux causes d’échec du dépistage par la cytologie. De plus, le coût en est très supérieur.
Le dépistage doit être amélioré, surtout chez les femmes à risque (planning, médecine du travail), pour mieux atteindre celles qui ne consultent pas régulièrement leur médecin. L’information des femmes doit être faite ; elle ne doit pas être anxiogène. Quatre-vingt-dix pour cent des HPV disparaissent en 24 mois (HO-1998).
Le dépistage doit changer, il ne doit pas être exclu à cause de la vaccination.
Place du test HPV en suivi des femmes après chirurgie du col.
Le Pr D. Riethmuller a insisté sur le fait que les femmes traitées pour une lésion précancéreuse ont un risque de cancer invasif du col de l’utérus cinq fois plus élevé que celui de la population générale. Or l’Anaes recommande la pratique d’une colposcopie, avec cytologie trois mois après l’intervention, et d’un suivi cytologique à six et douze mois.
En fait, l’association frottis-test HPV négatif est un marqueur de guérison.
Sa valeur prédictive négative est proche de 100 %. Cette pratique permettrait de sélectionner deux groupes de femmes, celles qui n’ont plus de virus dans les voies génitales (entre les deux tiers et les trois quarts des femmes) au contrôle des trois et six mois suivant l’intervention pourraient être à nouveau incluses dans un suivi de routine.
En revanche, celles dont le test HPV est toujours positif et/ou le frottis est anormal sont à risque de récidive ; elles doivent être surveillées en priorité car elles risquent de développer un cancer.
Le dépistage, une étape majeure de prévention.
Pour le Pr Bernard Blanc, même à l’ère de la vaccination, le dépistage reste une étape majeure de prévention. Deux vaccins arrivent sur le marché : quadrivalent HPV 6-11-16-18 ; bivalent HPV 16-18. Ils vont diminuer les infections persistantes aux virus HPV 16 et 18 de 89 à 100 %.
Ils vont constituer une prévention primaire du cancer du col utérin.
Le dépistage, actuellement fait par frottis, constitue la prévention secondaire de ce cancer.
Faut-il continuer à le pratiquer chez les femmes vaccinées, faut-il changer de mode de dépistage ?
La cible vaccinale sera les filles de 9 à 13 ans ; les résultats de la campagne de vaccination seront effectifs dans vingt à trente ans.
Les vaccins ne couvriront que 62 à 77 % de tous les cancers du col utérin.
La diminution des anomalies intraépithéliales, grâce à la vaccination, va diminuer la valeur prédictive positive (VPP) de la cytologie : VPP = sensibilité x prévalence.
Le test HPV est plus sensible que la cytologie, il est standardisé, validé et reproductible. Sa VPP est supérieure à celle du frottis.
Le vaccin n’entraînera pas la disparition du cancer du col. Il diminuera la prévalence des frottis anormaux et du cancer invasif.
Le dépistage des lésions préinvasives sera toujours d’actualité, le test HPV étant le plus fiable dans ce domaine.
Tarbes. 20es Journées pyrénéennes de gynécologie. Symposium Digene.
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