XAVIER BERTRAND quitte le ministère de la Santé en laissant sur leur faim ceux qui attendaient une décision de sa part pour promouvoir le développement de l'automédication (« le Quotidien » des 31 janvier et 20 mars). Il est vrai que les pistes proposées par Alain Coulomb, coauteur du rapport commandé par le ministre sur le sujet, ne font manifestement pas l'unanimité chez les acteurs concernés.
Lors d'un colloque organisé par la Mutualité française et intitulé « L'automédication : recul ou progrès », Alain Coulomb a rappelé ses propositions pour mieux organiser ce marché «peu développé et relativement stagnant» en France (6 % des médicaments délivrés, correspondant à une dépense moyenne de 26 euros par patient et par an).
« Packaging » adapté.
Pour l'ancien directeur de la Haute Autorité de santé (HAS), il faut clarifier le marché par «un packaging adapté», informer le public et les professionnels et expérimenter un «accès accompagné par les pharmaciens» en plaçant des produits d'automédication en amont du comptoir.
«Ce qui m'a le plus gêné dans le rapport Coulomb», a déploré le Dr Martial Olivier-Koehret, leader de MG-France, «c'est qu'on revient sur le symptôme», au détriment d'une prise en charge globale médicale. « Faut-il vraiment huit ans d'études (pour traiter) un hématome, un mal de tête, un rhume, une constipation ou une colique?», a rétorqué Alain Coulomb.
Le Dr Michel Chassang admet que l'automédication «arrange la vie des gens». Cependant, le président de la Csmf garde lui aussi «une réserve» car «cela ne revient pas forcément moins cher, et cela ne soigne pas forcément mieux», compte tenu des risques iatrogènes induits. Du côté des patients et des usagers, Christian Saout, vice-président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), estime que les travaux d'Alain Coulomb (boycottés par le Ciss en 2006) ont laissé des questions en suspens : «Quelles garanties se donne-t-on pour qu'il y ait une éducation à la santé dans ce pays? Comment met-on en place le contrôle des prix?»
Bernard Lemoine, vice-président délégué des Entreprises du médicament (Leem), a répondu que la présentation des produits devant le comptoir des pharmaciens permettra au consommateur de «les voir et (de) comparer les prix», d'où «un effet de tassement par la concurrence». Egalement partisan de l'automédication, le président de la Mutualité française (dont les mutuelles représentent le deuxième financeur des soins derrière la Sécu) souhaite que l'on aille plus loin pour «améliorer l'accès au médicament de (ses) concitoyens». «On ne peut pas imaginer le développement de l'automédication dans un circuit de vente aussi fermé», a affirmé Jean-Pierre Davant. Au contraire, le Leem est «tout à fait en faveur du maintien du monopole officinal» et n'envisage pas la vente en grande surface des médicaments destinés aux troubles bénins. De même, l'Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa) considère le pharmacien comme son «premier partenaire», a précisé son trésorier, Vincent Cotard. Et pourtant, le rapport Coulomb laisse sceptiques les pharmaciens. L'Ordre national de la profession «veut une clarification des produits», mais «tout médicament déremboursable n'est pas adapté à l'automédication», a averti son président, Jean Parrot. L'Ordre et l'Union des syndicats des pharmaciens d'officine (Uspo) appréhendent les présentoirs devant le comptoir. «En accès libre», a expliqué Gilles Bonnefond, secrétaire général de l'Uspo, «le rôle de conseil du pharmacien devient plus compliqué».
> AGNÈS BOURGUIGNON
Une pratique bien vue... en officine seulement
Près de sept Français sur dix (67 %) portent un jugement positif sur l'automédication, selon une enquête CSA-Cecop/Mutualité française réalisée en février 2007 auprès d'un échantillon représentatif de 1 010 personnes âgées de 18 ans et plus. Quarante-sept pour cent y voient «une façon de faire normale» et 20 % considèrent que cela relève d'un «comportement citoyen». Le jugement est plus favorable sur l'automédication chez les actifs de 20-50 ans, les cadres et les professions intermédiaires, tandis que les plus de 65 ans et les personnes aux revenus les plus modestes sont surreprésentés parmi les avis défavorables ( «mauvaise façon de faire» ou «comportement irresponsable»). Soixante-deux pour cent des personnes interrogées pratiquent déjà l'automédication «souvent» ou «de temps à autre» contre 37 % «rarement» ou «jamais». Enfin, 75 % s'opposent à l'achat de médicaments ailleurs qu'en pharmacie (24 % sont pour et 1 % ne se prononcent pas).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature