DE NOTRE CORRESPONDANT
SITUATION semble-t-il paradoxale : alors que les questions de dopage alimentent la chronique (et les jeux Olympiques qui viennent de s'achever à Pékin ne contredisent pas cette réalité) et sont devenues surtout depuis l'affaire Festina du Tour de France 1998 un sujet politique, les consultations médicales auxquelles doivent se rendre les sportifs contrôlés positifs pour pouvoir prétendre au renouvellement de leur licence ne rencontrent pas un vif succès. C'est en tout cas ce que constate le Dr Stéphane Prétagut, responsable de l'antenne médicale de prévention et de prise en charge des conduites dopantes des Pays de la Loire (AMCD). «Nous n'avons que très peu de consultations de cette nature, environ cinq par an*! Il faut dire que toutes les fédérations ne jouent pas le jeu», indique-t-il.
Selon l'article 3634-1 du code de la santé publique, repris par la loi d'avril 2006 relative à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, la fédération sollicitée par le sportif sanctionné pour renouveler sa licence doit subordonner sa délivrance à la remise d'un document nominatif attestant que ce dernier a eu au moins un entretien avec un médecin d'une des 22 antennes régionales. Ce qu'elles ne feraient pas toutes, loin de là…
Une parole libre.
Créées par une loi de 1999, ces antennes sont devenues malgré tout un pivot du système sanitaire, selon le Dr Prétagut. Depuis la loi de 2006 citée plus haut, qui a institué un suivi médical obligatoire pour les sportifs de haut niveau, le service de médecine du sport du CHU – où exerce également le responsable de l'AMCD – reçoit ces sportifs pour évaluer notamment leur vulnérabilité psychologique, cette «capacité de ressource» dont parle le médecin pour faire face à certaines situations, comme la pression de la performance, dans un contexte particulier et pour un sport donné. Un suivi peut alors être proposé à l'antenne.
«Environ 200sportifs par an acceptent cette proposition, souligne le psychiatre nantais. Il s'agit surtout de jeunes en sports études. La plupart sont plutôt réticents au départ. Voir un “psy” leur permettra d'améliorer leur performance. Mais, en réalité, passé le premier contact, ils sont plutôt demandeurs de venir dans cet espace qui leur appartient. Ici, il n'existe aucune interaction avec le milieu sportif. C'est donc un des rares lieux où ils peuvent avoir une parole libre. Leur univers quotidien exerce une telle pression qu'il leur est difficile de faire part de leur ressenti. Pourtant, quand ils ont entre 12 et 17ans, ils connaissent une fragilité identitaire particulière. Quatre ou cinq séances permettent de redonner du sens à leur investissement sportif et à leur vie en dehors du sport. Il faut dire que, généralement, le sport remplit leur vie.»
Parallèlement à cette proximité avec le service de médecine du sport, le lien avec les sportifs (amateurs ou de haut niveau) est facilité par la mise en place d'un Numéro Vert et d'un site Internet** permettant de laisser des messages de façon anonyme. Mais, là encore, le niveau des sollicitations n'est pas satisfaisant pour l'équipe. «Autant nous avons beaucoup de demandes d'interventions dans les clubs ou les établissements scolaires, autant nous n'avons qu'une dizaine d'appels directs de la part de sportifs de haut niveau ou non», remarque Bertrand Guerineau, psychologue à l'antenne.
Des conseils aux médecins.
En revanche, les appels de médecins du sport et généralistes sont relativement nombreux. «Ils nous interrogent souvent pour savoir si tel traitement peut être prescrit à un sportif, explique Stéphane Prétagut. À nous de les conseiller et éventuellement de les aider à monter un dossier de demande d'une autorisation à usage thérapeutique auprès de l'Agence française de lutte contre le dopage.» Grâce, entre autres, à ces échanges, grâce surtout au travail accompli auprès des sportifs, l'antenne de Nantes, comme celles des autres régions, remplit une de ses missions essentielles : la veille sanitaire. Tout récemment, l'équipe du Dr Prétagut, associée à celles de Bordeaux, de Poitiers, de Grenoble et de Clermont-Ferrand, a vu un projet d'étude retenu. À travers le suivi médical effectué auprès des sportifs de haut niveau, une description et une évaluation des troubles alimentaires chez ces derniers vont pouvoir être proposées. «Ce sont des troubles qui sont habituellement mal repérés, alors que l'on constate des problèmes d'anorexie chez les sportifs qui font de l'endurance ou dans les sports à haute valeur esthétique comme la danse ou la gymnastique, précise le Dr Prétagut. Les sportifs vont alors mettre en place une stratégie psychique pour maintenir leur poids et rechercher la performance. C'est souvent à l'arrêt de l'activité que certaines problématiques émergent.»
* La moyenne du nombre de contrôles positifs enregistrés depuis 2001 est de 20 (hormis 2006 non renseigné).
** Numéro Vert : 0800.880.504, www.dop-sante.net.
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