COMME ils l'avaient promis en février dernier (« le Quotidien » du 18 février 2005), Marie-Christine Blandin et Jean-Pierre Door ont présenté leur rapport le 10 mai dernier, devant les députés de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). A la demande de Jean-Michel Dubernard, président de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, l'office était chargé « d'évaluer l'importance et la nature du risque épidémique sur notre territoire ainsi que la qualité des outils dont notre pays est doté ».
Après plus d'un an d'auditions, de visites sur le terrain, les rapporteurs ont rendu leurs conclusions.
En préambule de leur rapport de 181 pages, ils précisent les choix qui ont orienté leurs travaux : « Le premier est de retenir une définition du risque épidémique limité aux seules maladies infectieuses contagieuses. » Deuxièmement, il n'était pas question pour eux de présenter un catalogue des maladies. Celles qui sont citées « ne sont évoquées que pour illustrer les questions et les problématiques auxquelles sont confrontés les pouvoirs publics », insistent-ils.
Le risque sera toujours présent.
Une fois ces précisions faites, ils rappellent que « le risque épidémique et sa perception seront toujours présents dans nos sociétés », contrairement à l'espoir d'éradication qui a duré jusqu'au début des années 1980. « A la fin des années 1970, rappellent-ils, beaucoup de responsables étaient convaincus de la disparition des maladies infectieuses dans les pays développés du Nord à un point tel que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris se posait la question de la fermeture de lits d'infectiologie ».
L'apparition du VIH/sida, l'épidémie d'hépatite C ou l'émergence aujourd'hui de nouveaux pathogènes, comme le coronavirus responsable du sras, ont conduit à une révision de ces postulats. Aujourd'hui, si plus de 90 % des maladies infectieuses surviennent dans les pays en développement où elles sont responsables de 43 % des décès, les pays industrialisés ne sont pas à l'abri.
S'ils soulignent les progrès considérables réalisés au cours de ces dernières années, notamment sous l'impulsion de l'InVS et, au niveau international, de l'OMS, les rapporteurs mettent en exergue les difficultés de la société à apporter des réponses face au risque épidémique. Notamment, « la mise en œuvre locale des dispositifs étudiés au plan national se heurte au manque de moyens des Ddass et à l'insuffisante association des collectivités locales à ce travail », font-ils remarquer.
Concernant l'alerte, « les médecins généralistes ne sont pas suffisamment intégrés à des réseaux de santé publique et ce rôle n'est pas reconnu comme normal et rémunéré à ce titre », ajoutent-ils.
Surtout, ils constatent les difficultés de communication. Les messages de prévention sur les maladies aussi graves que l'infection par le VIH ont du mal à atteindre leur cible. Un problème majeur demeure celui de la vaccination, en particulier les polémiques relatives au vaccin contre l'hépatite B et à ses effets indésirables.
Le rapport est assorti d'une série de 12 recommandations.
Parmi celles-ci, la reconnaissance du rôle des médecins libéraux dont les activités doivent être intégrées dans les conventions conclues avec les organismes d'assurance-maladie. « L'activité de vigie des médecins est d'utilité publique et doit être traitée comme telle. » A propos de la vaccination, ils proposent la révision tous les cinq ans du caractère obligatoire des vaccins, dans le cadre d'une expertise publique transparente, associant toutes les parties concernées. De même, une « expertise collective internationale sur les effets de la vaccination contre l'hépatite B devrait être diligentée ». Ils demandent que soient prévus des crédits pour la mise au point rapide d'un vaccin contre la maladie du charbon.
De même, un partenariat entre les pouvoirs publics et l'industrie devrait être mis en place pour la recherche vaccinale contre les risques aléatoires liés au bioterrorisme et aux virus respiratoires.
Soutenir la recherche.
Dans le domaine de la recherche, ils appellent à un accroissement de la dotation de l'Etat à l'Institut Pasteur, afin de mieux considérer son implication dans la recherche fondamentale et appliquée sur les maladies infectieuses. La mise en place d'une expertise collective sur les effets des antibiotiques dans l'alimentation animale, au vu des phénomènes de résistance.
En cas de crise, « la notion d'urgence absolue sanitaire devrait être précisée pour que des actions puissent être lancées en dérogeant à la procédure d'appel d'offres ». Des contrats associant l'Etat et les collectivités locales devraient être conclus pour préparer la gestion des crises sanitaires.
Enfin, le rapport prévoit la possibilité d'offrir à tout migrant, à son arrivée sur le territoire, un bilan de santé pris en charge par l'assurance-maladie. Il dénonce les clauses d'assurance décès excluant le risque épidémique.
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