« NOUS AVONS découvert en 2001 la résistine, une hormone sécrétée par les adipocytes, et suggéré à cette époque qu'elle pourrait être un lien entre les épidémies parallèles d'obésité et de diabète de type 2 », dit au « Quotidien » le Dr Mitchell Lazar (Penn Diabetes Center, University of Pennsylvania, Philadelphia) qui a dirigé ces travaux.
« Le diabète de type 2 représente environ 90-95 % des diabètes. Tandis que le type 1 est dû à une insuffisance pancréatique aboutissant à l'absence d'insuline, le diabète de type 2 est lié à la résistance à l'insuline (l'organisme répond moins bien à l'insuline) qui résulte le plus souvent de l'obésité. »
« Notre premier travail, poursuit le chercheur, était très suggestif, car les taux de résistine sont accrus chez la souris obèse et l'administration de résistine provoquait une difficulté à métaboliser une charge en glucose, un problème majeur chez les diabétiques. » L'hormone a ainsi été nommée résistine, pour résistance a l'insuline.
Création d'une souris déficiente en résistine.
« Toutefois, la preuve que la résistine contribue à la résistance à l'insuline, et au diabète lié à l'obésité, exigeait des études génétiques et métaboliques sophistiquées qui sont apportées par notre nouvelle étude », poursuit-il.
« Nous avons créé des souris déficientes en résistine. Nous montrons que ces souris dépourvues de résistine sont protégées de l'intolérance au glucose associée à l'obésité » (incapacité d'assumer normalement une charge en glucose, une caractéristique du diabète).
« Le modèle que nous avons utilisé est une souris génétiquement mixte qui devient obèse et résistante à l'insuline(et diabétique)en raison d'une alimentation riche en graisse. C'est un modèle pour l'épidémie actuelle d'obésité-diabète qui est liée à la fois aux gènes et au mode de vie. L'effet bénéfique sur la glycémie conféré par l'absence de résistine apparait davantage chez les souris les plus obèses, et l'augmentation de la glycémie associée "normalement" à l'augmentation du poids est, chez les souris déficientes en résistine, réduite(pas totalement). Cela suggère que la résistine est responsable, pour une part importante, de la relation entre l'obésité et la glycémie, qui est au cœur du lien entre le poids et le diabète. »
De multiples niveaux de protection.
« L'autre point important de cette nouvelle étude est qu'elle répond à la question de savoir quelle est la fonction normale de la résistine. Pourquoi existe-t-elle au départ ? Certainement pas pour contribuer au diabète dans le contexte d'obésité ! Notre étude montre que la fonction normale de la résistine est de protéger la glycémie à jeun. Les souris déficientes en résistine ont des glycémies à jeun significativement plus faibles que leurs sœurs normales. Ces glycémies ne sont pas devenues dangereusement faibles, probablement parce que de nombreux systèmes hormonaux (glucagon, cortisol, adrénaline) aident à maintenir la glycémie à jeun au dessus du niveau de plancher. La raison probable de ces multiples niveaux de protection est que, au cours de l'évolution humaine, la famine était l'une des plus grandes menaces pour notre espèce, et des glycémies dangereusement faibles aboutissent rapidement à des convulsions et au décès. Aussi, plusieurs hormones ont évolué pour nous protéger de cela. Dans les cinquante à cent dernières années, tandis que les aliments sont devenus abondants dans les sociétés occidentales, ces systèmes jouent contre nous. »
Chez l'homme.
« Nous devons maintenant déterminer si la résistine joue le même rôle chez l'homme. » Quelques données le suggèrent, notamment la découverte que certains variants du gène humain de la résistine sont liés à la résistance à l'insuline. « Nous devons aussi déterminer quel est son mécanisme d'action (son récepteur et ses autres cibles). »
« Si la résistine joue le même rôle chez l'homme, le blocage de sa fonction pourrait être une nouvelle approche pour réduire le risque des états comorbides associés à l'obésité, dont le diabète de type 2, mais aussi la résistance à l'insuline et ses complications comme la maladie cardio-vasculaire. »
« Science », 20 février 2004, p. 1195.
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