La programmation foetale de certaines pathologies chroniques comme le diabète est un sujet d'actualité.
On dispose aujourd'hui de preuves épidémiologiques d'un lien entre cette maladie et le petit poids de naissance.
Les mécanismes en cause restent à préciser, mais l'insulinorésistance apparaît comme l'anomalie primaire.
C'EST EN 1991 qu'a été publiée la première étude démontrant l'association entre un petit poids de naissance (PPN) – inférieur à 2,5 kg – et le risque de survenue d'un diabète de type 2. Constatée sur une cohorte de sujets caucasiens, elle a ensuite été confirmée par de nombreuses études épidémiologiques. Sa mise en évidence chez les Indiens Pimas, une population génétiquement prédisposée au diabète (50 % des adultes atteints), appuie la réalité de ce lien.
Des résultats similaires ont été retrouvés dans la cohorte prospective de Haguenau qui comporte des sujets sélectionnés à partir des données de naissance du registre de maternité de l'hôpital de la ville. Après avoir établi les courbes locales de croissance en fonction du sexe et de l'âge gestationnel de plus de 27 000 enfants nés à terme entre 1971 et 1985, les investigateurs ont sélectionné les sujets ayant eu un retard de croissance intra-utérin (RCIU) avec un poids de naissance inférieur au 10e percentile. Leurs données, analysées à l'âge de 22 ans, ont été comparées à celles de témoins nés avec un poids normal (800 g de différence en moyenne entre les deux groupes).
Insulinorésistants dès 22 ans.
Chez les sujets RCIU, les résultats de l'hyperglycémie provoquée par voie orale montrent que les anomalies de la tolérance au glucose sont deux fois plus fréquentes, et ceux de la mesure de la sensibilité à l'insuline que celle-ci est significativement diminuée. Pour un même IMC, ces jeunes adultes ont une masse grasse plus importante. L'analyse du profil lipidique et de la pression artérielle montre également des différences modestes entre les deux groupes. Tous les résultats vont dans le sens d'une agrégation des éléments du syndrome métabolique au sein du groupe RCIU dans lequel il est six fois plus fréquent.
Comme l'a montré une cohorte prospective chilienne, une insulino- résistance peut être détectée dès l'âge pédiatrique. Chez les sujets nés avec un PPN, elle apparaît de façon concomitante au rattrapage staturo-pondéral à l'âge de 1 an, mais elle reste modérée chez l'enfant. Chez le nouveau-né, le PPN répond à une définition épidémiologique (– 2DS du poids et de la taille pour l'âge gestationnel), mais il reflète des conditions pathologiques différentes : «Même aujourd'hui, environ un tiers des cas de PPN pour l'âge gestationnel ne sont pas bien étiquetés», indique le Dr Claire Lévy-Marchal*. Les PPN ayant une vitesse de croissance normale et les RCIU, qui correspondent à une authentique restriction de croissance foetale, constituent deux situations différentes.
La cohorte française CASyMIR (Croissance Anténatale - Syndrome Métabolique et Insulino-Résistance) va permettre de mieux connaître le rôle de la croissance anté- et postanale dans la programmation foetale de l'insulinorésistance et du syndrome métabolique chez les nourrissons nés avec un PPN. Elle comporte des nouveau-nés avec RCIU recrutés inutero, dont la croissance foetale est mesurée et qui seront suivis jusqu'à l'âge de 4 ans.
Plusieurs études confortent le rôle prépondérant du rattrapage dans la physiopathologie des anomalies métaboliques secondaires au PPN. Ce rattrapage touche le tissu maigre, mais aussi le tissu adipeux dont le rôle essentiel dans l'homéostasie glucidique et dans les variations de la sensibilité à l'insuline est bien connu. Ainsi, lors du RCIU, il existe une diminution de la masse grasse à la naissance – signe d'une altération de son développement anténatal – et le rattrapage qui s'effectue au cours de la première année de vie est particulièrement intense dans les six premiers mois. D'après des données hospitalières, chez les enfants nés avec un PPN, la croissance durant les quatre premières années de vie concerne plus la masse grasse que la masse maigre. La masse grasse en excès est essentiellement centrale. Chez les sujets adultes nés avec un RCIU, ce tissu présente une hypersensibilité aux catécholamines. Dans cette population, on observe également des taux plus bas de leptine et d'adinopectine, hormones importantes dans la régulation de l'énergie. Enfin, une association a été mise en évidence entre l'insulino-résistance et certains polymorphismes génétiques, concernant notamment le facteur de transcription adipocytaire PPAR-gamma. L'étude de la cohorte de Haguenau montre que c'est bien le rattrapage en masse corporelle, donc en adiposité, et non le rattrapage statural qui est associé au syndrome métabolique.
Ces données indiquent que l'association entre PPN et risque accru de diabète de type 2 et de syndrome métabolique passe d'abord par une insulinorésistance. Plusieurs mécanismes ont été proposés : des changements de l'environnement nutritionnel et hormonal du foetus pendant des périodes critiques de la vie anténatale qui laissent des séquelles au niveau de certaines structures et fonctions physiologiques ; une inadéquation entre l'environnement foetal et postnatal contradictoire ; des mécanismes épigénétiques évoqués sur des travaux animaux ; des mécanismes génétiques avec le gène de l'insuline comme premier candidat. Enfin, d'autres mécanismes faisant appel à des concepts différents ont été évoqués, notamment l'association de l'insulinorésistance à la conception invitro et à la prématurité, et un déficit d'apports très spécifiques, en zinc et en vitamine B12, dont le rôle potentiel a été suggéré plus récemment.
* D'après la communication du Dr Claire Lévy-Marchal, INSERM U690, hôpital Robert-Debré, Paris.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature