LE RECOURS aux biothérapies est de plus en plus fréquent et précoce pour traiter la polyarthrite rhumatoïde (PR), car on dispose désormais de solides données sur leur efficacité et leur tolérance. Aux biothérapies dirigées contre des cytokines, qui, pour l'heure, sont essentiellement représentées par les anti-TNF, est récemment venue s'ajouter une nouvelle classe de médicaments qui agissent par des mécanismes complètement différents, puisqu'ils ciblent des cellules de la lignée lymphocytaire. Les deux représentants de cette nouvelle famille sont, à ce jour, le rituximab et l'abatacept.
Selon leurs AMM, ces médicaments ont néanmoins des indications relativement étroites, car ils sont actuellement réservés aux patients atteints de PR réfractaire qui n'ont pas répondu à l'administration d'au moins un anti-TNF, en sus du traitement par le méthotrexate. En France, la Haute Autorité de santé va même plus loin puisqu'elle recommande de n'utiliser ces nouvelles biothérapies qu'après échec de deux anti-TNF.
Ces médicaments demeurent, en effet, les agents de référence en raison de leur efficacité spectaculaire et, à ce jour, inégalée sur la progression des lésions radiographiques, mais aussi parce que l'on dispose d'un recul de plus de dix ans sur leur emploi. Cela étant, environ 30 % des patients ne répondent pas à l'administration d'un premier anti-TNF et, lorsqu'un second est ajouté pour traiter ces sujets non répondeurs, près de la moitié d'entre eux demeurent réfractaires à cette intensification du traitement. Par ailleurs, chez les patients répondeurs, les effets des anti-TNF peuvent s'épuiser après un certain nombre d'années. C'est chez ces patients qui sont en situation réfractaire que le rituximab et l'abatacept trouvent leur indication.
Le rituximab cible les lymphocytes B.
Le rituximab est un anticorps monoclonal chimérique dirigé contre le marqueur membranaire CD20 des lymphocytes B et qui induit la lyse de ces derniers. Ce médicament est déjà utilisé depuis une dizaine d'années dans le traitement des lymphomes non hodgkiniens (LNH), en association avec la chimiothérapie. Il entraîne une déplétion complète des lymphocytes B, qui persiste au moins six mois après l'administration d'une première perfusion.
Cette biothérapie, qui dispose d'une AMM européenne dans le traitement de la PR réfractaire depuis septembre 2006, s'administre actuellement à l'hôpital à la dose de 1 g par perfusion, à raison de deux perfusions espacées de deux semaines.
Contrairement aux anti-TNF, dont l'effet est extrêmement rapide, le rituximab a une action progressive qui réclame plusieurs mois ; l'efficacité ne s'apprécie donc qu'à partir du 4e mois. Un patient sur deux présente une réponse clinique qui s'accompagne d'un ralentissement de la progression radiographique de la PR, mais celle-ci n'est pas totalement inhibée comme cela s'observe avec les anti-TNF.
Après les deux perfusions initiales, la règle est d'attendre au moins six mois avant de retraiter le patient ; le délai observé est généralement compris entre six et douze mois, avec une moyenne autour de huit mois. La reprise des perfusions est souvent indispensable, car, à la différence de ce qui s'observe dans les LNH, les patients rechutent dans la majorité des cas.
Du fait du recul dont on dispose dans le traitement des LNH, les données sur la tolérance du rituximab après l'administration d'une cure sont relativement bien documentées ; en revanche, on ne dispose que de peu d'éléments sur les effets de cures répétées, celles-ci étant peu pratiquées dans les lymphomes. Comme toute biothérapie, le médicament accroît le risque d'infection sévère, mais, à ce jour, aucun cas de tuberculose ni d'infection opportuniste n'a été rapporté. Par ailleurs, en raison de leur longue durée, les perfusions peuvent induire des réactions de type choc cytokinique liées au fait que la lyse des lymphocytes B provoque une libération de ces médiateurs. Le rituximab fait actuellement l'objet d'un programme de développement, dont trois études avec retraitement à six mois et contrôle à un an ont été présentées au récent congrès américain. Les données de ces essais tendent à indiquer que la répétition des cures a pour effet d'améliorer la réponse dans le temps. Il semblerait, par ailleurs, que la dose de 500 mg soit aussi efficace que celle de 1 g aujourd'hui utilisée.
L'abatacept agit sur les lymphocytes T.
L'abatacept est une molécule qui diffère totalement du rituximab. Il s'agit d'une protéine de fusion entre la molécule CTLA-4 produite par les lymphocytes T et un fragment d'immunoglobuline, d'où son nom de CTLA-4-Ig. CTLA-4 bloque les voies de costimulation des lymphocytes T. L'abatacept inhibe donc l'activation de ces cellules, les empêchant ainsi de produire diverses cytokines.
Le médicament est disponible à l'hôpital depuis septembre 2007. Comme pour le rituximab, son unique indication, en Europe, est actuellement le traitement de la PR après échec d'au moins un anti-TNF. Aux États-Unis, ses indications sont toutefois un peu plus larges. Pour l'heure, l'abatacept s'administre en perfusion intraveineuse, mais une forme sous-cutanée est en cours de développement. Le médicament est perfusé à la dose de 10 mg/kg à J0, J15, J30, puis tous les 30 jours, le traitement étant poursuivi indéfiniment en cas de réponse. La durée des perfusions est de trente minutes, donc beaucoup plus courte que pour le rituximab. Il est d'ailleurs question d'un passage en ville sous forme de perfusions à domicile, en attendant que la voie sous-cutanée soit disponible. Les données d'efficacité sont similaires à celles du rituximab : l'effet du médicament est progressif et il convient d'attendre entre le 4e et le 6e mois pour porter un jugement sur l'efficacité qui, là encore, semble se renforcer au cours du temps. Le taux de réponses cliniques parmi les patients n'ayant pas répondu aux anti-TNF est de l'ordre de 50 % avec, comme pour le rituximab, un ralentissement de la progression des lésions radiographiques, sans arrêt complet.
La tolérance est relativement bonne. Le médicament induit le risque d'infection sévère propre aux biothérapies, mais celui-ci semble plus faible que pour les autres traitements de ce type. On n'observe pratiquement pas, par ailleurs, de réactions aux perfusions.
Un positionnement à approfondir.
La question s'est un temps posée de savoir quelle allait être la place de ces nouvelles biothérapies dans le traitement de la PR : seraient-elles considérées comme un recours en cas d'échec des anti-TNF ou allaient-elles, en fait, les supplanter ? Pour l'heure, c'est la première éventualité qui prévaut, car l'efficacité, notamment structurale, des anti-TNF se révèle actuellement supérieure. Ces nouveaux agents apparaissent néanmoins d'une très grande utilité, en particulier pour traiter les PR réfractaires.
D'après un entretien avec le Pr Bernard Combe, hôpital Lapeyronie, Montpellier.
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