De notre correspondante
à New York
PRES d'une grossesse sur deux cents aux Etats-Unis se complique d'une mortalité foetale tardive (définie par une mort fœtale après la 20e semaine de grossesse, avant ou pendant l'accouchement), une complication dont les effets psychologiques pour la mère et la famille peuvent être aussi désastreux que la perte d'un enfant après sa naissance.
Bien que la mortinatalité soit relativement fréquente et émotionnellement douloureuse, peu de recherches se sont penchées jusqu'ici sur ce thème.
Ses causes sont encore mal comprises. Un quart des morts fœtales tardives restent inexpliquées. Près d'un autre tiers est lié à un décollement placentaire ou à un retard de croissance intra-utérine, eux-mêmes souvent inexpliqués.
On sait qu'un antécédent d'enfant mort-né double au moins le risque ultérieur de mortinatalité. Toutefois, on ignore si le précédent accouchement d'un enfant hypotrophe, ou prématuré, majore le risque ultérieur de mortinatalité.
Une étude suédoise de Surkan et coll. (institut Karolinska, Stockholm) éclaircit ce point.
Plus de 410 000 femmes.
Ces investigateurs ont exploité le registre suédois des naissances. Ils ont étudié toutes les femmes, plus de 410 000, qui ont accouché d'un premier puis d'un second enfant entre 1983 et 1997. Ces premières et secondes grossesses ont été compliquées, respectivement, de 1 842 et 1 062 morts fœtales après la 28e semaine de grossesse (le registre n'inclut les informations que sur les mort-nés qui surviennent après la 28e semaine de grossesse).
L'étude démontre que les femmes dont le premier enfant est né petit (poids de naissance inférieur à deux déviations standards pour l'âge gestationnel) ont deux fois plus de risque de donner naissance à enfant mort-né à la seconde grossesse, comparées aux femmes dont le premier enfant est né à terme et de poids normal (R = 2,1 ; IC 95 %, 1,6 à 2,8, après ajustement pour les facteurs maternels connus associés au risque accru de mortinatalité).
Ce risque accru est amplifié si le premier accouchement est aussi prématuré. Ainsi, le risque d'enfant mort-né au cours de la seconde grossesse est multiplié par 3,4 si le premier enfant est hypotrophe et modérément prématuré (entre 32 et 36 semaines de grossesse) et multiplié par 5 si le premier enfant est petit et très prématuré (avant 32 semaines).
19 pour 1 000 naissances.
Tandis que le taux de mortinatalité au cours de la seconde grossesse est de 2,4 pour 1 000 naissances pour les femmes dont le premier enfant est né à terme et de poids normal, il passe à 19 pour 1 000 naissances pour les femmes dont le premier enfant est hypotrophe et très prématuré.
« L'accouchement d'un précédent enfant petit pour l'âge gestationnel est un prédicteur important du risque ultérieur de mortinatalité, notamment s'il était prématuré », concluent les investigateurs suédois.
Cette association survient probablement parce que la croissance fœtale réduite et la mort fœtale partagent des causes sous-jacentes, expliquent-ils. « La forte association entre la naissance d'un premier enfant petit pour l'âge gestationnel et le risque ultérieur d'enfant mort-né souligne davantage le rôle central de la limitation de croissance fœtale dans le processus étiologique de la mortinatalité », notent-ils. Toutefois, ajoutent-ils, « on ne connaît pas encore l'approche clinique optimale pour le fœtus compromis très prématuré présentant une limitation de croissance ».
Il reste à souligner que le risque de mort foetale tardive demeure faible, notent les Suédois, ainsi que les Drs Zhang et Klebanoff (Bethesda). « Les femmes et leurs médecins doivent être rassurés par le fait que même lorsque le précédent accouchement est survenu à moins de 32 semaines de grossesse et que l'enfant était très petit pour l'âge gestationnel, la probabilité de mort fœtale tardive reste encore inférieure à 2 % », notent Zhang et Klebanoff dans un commentaire.
Afin d'encourager la recherche sur la mortinatalité, domaine trop longtemps négligé, le National Institute of Child Health and Human Development (NICHHD, NIH) a récemment créé un réseau de recherche coopérative aux Etats-Unis (5 sites) qui a pour vocation d'enquêter sur l'ampleur et les causes de la mortinatalité dans la population. L'espoir est que cette recherche puisse un jour permettre de prédire et prévenir la mortalité foetale tardive.
« New England Journal of Medicine », 19 février 2004, pp. 754 et 777.
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