De notre correspondante à New York
L E voyage en avion, en particulier sur de longs trajets, est-il associé à un risque accru de thomboembolie veineuse ? On le croit. Cette association, notée depuis de nombreuses années, a même reçu un nom : le « syndrome de la classe économique », car ce risque pourrait être dû à l'immobilité qui est aggravée par le peu d'espace en classe économique. Toutefois, la plupart des études qui ont examiné cette association portent sur un petit nombre de patients et la relation entre l'embolie pulmonaire (EP) et la longueur du vol n'a pas été bien approfondie.
Une étude dirigée par le Dr Frédéric Lapostolle (hôpital Avicenne, Bobigny) montre clairement que plus le voyage en avion est long, plus le risque d'EP sévère est grand. Les investigateurs ont passé en revue tous les cas de passagers qui, à leur descente d'avion à l'aéroport de Roissy au cours des sept dernières années (novembre 1993 à décembre 2000), ont été pris en charge par le SAMU pour une embolie pulmonaire.
8 EP sévères par an
Pendant cette période, 135,3 millions de passagers ont atterri à l'aéroport Charles-de-Gaulle et 56 d'entre eux ont présenté une embolie sévère (confirmée) à la fin du vol ou immédiatement après, dont une fatale. Cela fait environ 8 EP sévères par an.
En recueillant l'origine géographique de tous les vols et le nombre de passagers, ils ont estimé que l'incidence de l'embolie pulmonaire est 150 fois plus élevée chez les passagers d'un vol de plus de 5 000 km ou dépassant 6 heures (1,5 cas par million d'arrivées de passagers, comparé à 0,01 pour les vols courts de moins de 5 000 kms). L'incidence d'EP est encore plus grande chez les passagers d'un vol de plus de 10 000 kms ou d'une durée supérieure à douze heures (4,8 cas par million d'arrivées de passagers), soit 480 fois plus élevée que sur des vols courts.
L'incidence d'EP pendant les vols aériens est probablement sous-estimée, notent les auteurs, car seuls les cas symptomatiques (malaise, syncope, dyspnée, douleur thoracique) survenant pendant le vol ou dans l'heure suivant l'atterrissage ont été retenus. N'ont pas été pris en compte les cas entraînant un décès en vol, les formes pauci-symptomatiques ou les cas survenant à l'extérieur de l'aéroport.
75 % des embolies relevées en classe touriste
Si cette incidence n'est donc que la partie visible de l'iceberg, elle apparaît néanmoins faible : 0,4 cas par million de passagers. On peut noter que au moins 75 % des passagers avec EP voyageaient en classe touriste, et seulement 4 % en classe affaires. On ignore la classe des 21 % restants.
Si l'immobilité entraînant une stase veineuse peut être la principale cause déclenchante de la thromboembolie veineuse, d'autres facteurs liés au vol pourraient s'y ajouter. Par exemple, la déshydratation responsable d'une hémoconcentration ; la baisse de pression d'oxygène et de pression ambiante, qui altère la fibrinolyse et induit l'activation de la coagulation.
« Etant donné le risque, de simples mesures prophylactiques doivent être envisagées, même si leur efficacité n'a pas encore été établie », concluent les auteurs. Ils conseillent de : boire beaucoup d'eau, éviter l'alcool, ne pas fumer, éviter les vêtements serrés, porter des bas élastiques de soutien, éviter de croiser les jambes, changer souvent de position en étant assis et faire des petits exercices comme marcher ou au moins bouger les jambes.
Dans un éditorial, le Dr Ansell (université de Boston, Massachusetts) note que « de nombreux investigateurs ont suggéré des interventions pharmacologiques pour les voyageurs à risque élevé ». Mais, note-t-il, il est clair que la thrombose peut aussi se développer chez des personnes qui n'ont pas un risque élevé (cancer, obésité, affections thrombophiliques). « Tant que des approches non pharmacologiques, comme les exercices de jambes, boire davantage d'eau, et limiter l'alcool, n'ont pas été pleinement promues, il pourrait être prématuré, voire dangereux, de recommander l'aspirine ou les héparines de bas poids moléculaire aux personnes considérées à risque élevé. L'usage des bas de contention pourrait être utile pour prévenir la thrombose veineuse profonde, mais peut-être au risque d'induire une TV superficielle. »
« New England Journal of Medicine », 13 septembre 2001, pp. 779, 828.
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