ON SAIT QUE le taux de mortalité est multiplié par deux à quatre chez les personnes qui souffrent d'épilepsie. Ce qui s'explique, pour une part, par des facteurs de morbidité : tumeurs cérébrales, AVC et traumatismes crâniens. Les suicides représentent une autre cause. De petites études de cohorte menées au Royaume-Uni et en Suède indiquent que le risque de suicide est multiplié par trois à cinq chez les patients épileptiques.
Il existe une forte association entre l'épilepsie et des affections psychiatriques à risque suicidaire.
Mais il existe aussi un accroissement du risque de suicide en relation avec des facteurs socio-économiques. Ce qui n'est pas à négliger chez les épileptiques : des études ont montré que ces patients ont de moins bonnes conditions socio-économiques et une qualité de vie altérée par rapport à la population générale. Dans l'ensemble, les travaux mentionnés sont de petite taille. Le nouveau travail danois s'est efforcé de pallier les limites des prédécesseurs. «Nous avons réalisé une étude de population cas-témoins pour analyser l'association entre l'épilepsie et le suicide, en prenant en compte les maladies psychiatriques et des facteurs socio-économiques et démographiques», indiquent les auteurs.
Jusqu'à vingt témoins pour un cas.
Jakob Christensen et coll. ont colligé dans le registre des causes des décès (« Cause of Death Register »), entre 1981 et 1997, 21 169 cas de suicides ; ces cas ont été appariés à 423 128 témoins (jusqu'à 20 témoins pour un cas, croisés par âge, sexe, année de naissance et date calendaire).
Parmi les cas se trouvent 492 individus qui ont commis un suicide sur des antécédents d'épilepsie, soit 2,32 %. Si l'on compare à 3 140 personnes ayant une épilepsie parmi les témoins, soit 0,74 %, cela donne un risque relatif de 3,17, ce qui signifie un risque trois fois supérieur de suicide parmi les patients épileptiques (p < 0,0001).
Après avoir exclu les personnes qui ont des antécédents de maladie psychiatrique (les troubles de l'humeur, la schizophrénie, les troubles anxieux, l'éthylisme chronique) et après avoir réalisé des ajustements pour des facteurs socio-économiques (statut marital, emploi ou chômage, revenus annuels), le risque relatif demeure plus élevé : 1,99 (p < 0,0001).
Le risque le plus élevé de suicide est identifié chez les patients ayant une épilepsie et une comorbidité psychiatrique, même après ajustement pour les facteurs socio-économiques : RR de 13,7 ; p < 0,0001).
Dans les six mois qui suivent le diagnostic d'épilepsie.
Chez les individus ayant une épilepsie, le risque le plus élevé de suicide a été décelé au cours des six mois qui ont suivi le diagnostic (RR de 5,35, p < 0,0001) et il s'élève encore plus en cas de comorbidité psychiatrique (RR de 29,2, p < 0,0001).
«Quoi qu'il en soit, nous trouvons une augmentation du risque de suicide en association à l'épilepsie, même parmi les patients qui n'ont pas d'histoire reconnue de maladie psychiatrique», soulignent les auteurs.
La dépression et l'épilepsie ont été liées dans des études de manière bidirectionnelle (les patients ayant une épilepsie ont plus souvent des dépressions et les dépressifs ont un risque plus élevé d'épilepsie).
«Nous avons identifié un risque plus élevé de suicide chez les patients ayant des troubles dépressifs, mais le risque de suicide est plus bas, dans ce cas, que l'addition des deux risques.» Ce qui signifie qu'il y a peut-être des mécanismes communs aux deux (à l'épilepsie et à la dépression) qui augmentent le risque de suicide.
La force majeure de cette étude tient à sa taille, au faible nombre des perdus de vue et à la prise en compte des comorbidités avec des maladies psychiatriques.
Les diagnostics manqués de maladies psychiatriques représentent toutefois une limite potentielle.
« The Lancet Neurology », 3 juillet 2007.
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