JUSQU'OÙ UN MEDECIN peut-il aller dans l'accompagnement d'une personne présentant des problèmes avec l'alcool, ou tout autre produit psychoactif, dans une société qui cherche de plus en plus à éliminer les germes de la dangerosité ? Comment ne pas faire d'un fumeur de cannabis, ou d'un buveur, un exclu et, donc, pour le praticien ne pas céder aux sirènes sécuritaires ? L'exercice se révèle, chaque jour, plus délicat. C'est au prix, parfois, d'actes de résistance que le corps médical garde son indépendance au regard de lois jugées d'exception, comme celles du 4 avril 1956 sur les alcooliques dangereux et du 31 décembre 1970 sur les stupéfiants. La Société française d'alcoologie (SFA), sensible à ces questions, organise à Paris, le 13 mars, un colloque intitulé « Ethique en addictologie »*.
Pour le Dr Eric Hispard, administrateur de la SFA, la mission de toxicologue et de médecin du travail qui est la sienne ne saurait s'apparenter à une opération de normalisation. Il lui apparaît inenvisageable – dans le cadre d'une consultation de prévention – d'exclure d'un poste de travail un fumeur de cannabis dès lors que, après examen, «cela ne semble pas poser de problème de comportement». A Fernand-Widal (Paris), où il travaille, il déplore que certains établissements de postcure pour alcooliques à qui l'hôpital s'adresse subordonnent, par exemple, toute admission à un dosage urinaire cannabique négatif. «Je ne fais pas de la normalisation, mais de la subversion, dit-il au “Quotidien”. J'affûte ce qui existe chez mes patients, au lieu de les mettre au pas.» Et d'observer que «l'on a rendu la prescription de produits de substitution quasiment obligatoire», alors que, il y a une douzaine d'années, «un confrère qui en dispensait était pris pour un dealer». «En fait, conclut le Dr Eric Hispard, le champ sanitaire a toujours été confronté à une volonté de normalisation. Il nous appartient de ne pas nous ranger parmi les auxiliaires d'une société sécuritaire».
La Société française d'alcoologie**, créée en 1978 et reconnue d'utilité publique en 1998, contribue au développement multidisciplinaire de la spécialité. Autour de l'usage et du mésusage de l'alcool, ses travaux s'intéressent à la prévention, à la thérapeutique, à l'évaluation et, au-delà de l'alcoologie clinique, à l'étude de tout ce qui concerne l'alcool éthylique. La SFA est actuellement présidée par le Pr Martine Daoust.
* Espace Saint-Martin, 199 bis, rue Saint-Martin, Paris 13e. ** SFA, tél. 01.46.38.24.14 www.sfalcoologie.asso.fr.
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