RÉGULIÈREMENT, des articles font état d’un risque d’erreur médicale ou d’accident de la voie publique majoré chez les internes des services de soins fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre (chirurgie, réanimation, urgences) lorsque leur durée de travail journalière ou hebdomadaire est excessive. Pourtant, aux Etats-Unis, des étudiants hospitaliers travaillent encore aujourd’hui plus de soixante-douze heures par semaine en moyenne, en particulier au cours de leurs premiers semestres d’internat. La nouvelle publication de l’équipe du Dr Najib Ayas devrait apporter encore une preuve du risque associé aux horaires extensifs imposés aux internes.
La période de travail.
En avril 2002, les 18 477 internes recensés par l’Association of American Medical Colleges dans le cadre des « US Postguard Residency Programs » ont été contactés par e-mail pour que leur soit exposé l’objet de l’étude. On leur demandait de détailler chaque mois leurs horaires de travail, de préciser si, au cours de cette période, ils avaient été victimes d’accidents d’exposition au sang (AES) et d’en dire les circonstances. Les investigateurs ont choisi de comparer l’incidence de ces AES selon les périodes de travail pendant lesquelles ils sont survenus : au cours de la journée (6 h 30-17 h 30) ayant suivi une nuit de garde, au cours d’une journée normale (6 h 30- 17 h 30), la nuit (23 h 30-7 h 30) ou le jour (7 h 30-15 h 30). Au total, 2 737 internes ont souhaité répondre à au moins un questionnaire et, en fin d’étude, les auteurs disposaient d’un total de 17 003 fiches mensuelles représentant 1 417 personnes-années. La cohorte était composée de 53 % de femmes et la moyenne d’âge était de 28 ans (comprise entre 21 et 51 ans). Près de 80 % des participants étaient internes en médecine, 11 % en chirurgie et 10 % dans d’autres spécialités telles que l’anatomopathologie ou la psychiatrie. L’analyse des données a permis de retenir 1 551 contacts avec des fluides potentiellement contaminants pendant la durée de l’étude. Grâce à un travail plus détaillé, les auteurs ont exclu de l’analyse 1 051 de ces incidents : éclaboussures, contact avec des vomissements ou morsures ; 7,5 % de ces incidents avaient fait l’objet d’une déclaration d’accident de travail. Au total, 498 incidents documentés ont été retenus : 294 étaient en rapport avec une lacération liée à un instrument pointu (un scalpel, par exemple) et 204 avec une aiguille (creuse ou pleine).
Parmi les spécialités représentées, les gynécologues ou les obstétriciens, les chirurgiens et les anatomopathologistes ont été les plus concernés avec des taux respectifs de 0,0975, 0,0530 et 0,017 incident par interne et par mois. Au total, près de 58 % de ces accidents ont été déclarés au service des ressources humaines. Lorsque les internes étaient interrogés sur les facteurs de risques surajoutés – manque de concentration, fatigue, mauvais éclairage, mouvements du patient, aiguilles ou scalpels laissés sur le champ opératoire ou présentés à un autre soignant enfin, remise en place de l’aiguille dans sa protection –, près de 90 % impliquaient au moins l’un de ces facteurs. Pour 64 % des internes, il existait un manque de concentration et 31 % déclaraient ressentir de la fatigue.
Globalement, la période la plus à risque était la journée suivant une nuit de travail et, en particulier, la 29e heure de travail d’affilée. En moyenne, les internes déclaraient avoir dormi 2,6 heures durant leur nuit de garde et les auteurs estiment que les réveils inopinés peuvent avoir contribué à réduire la concentration des internes.
Par ailleurs, le nombre d’accidents était plus important la nuit lorsque la garde était prise à 23 heures que le jour entre 6 h 30 et 17 h 30. L’une des explications proposées par les auteurs tient au fait que, en l’absence de personnel paramédical en nombre suffisant, les internes sont souvent amenés la nuit à procéder à des gestes auxquels ils ont mal été formés pendant leur travail de jour tels que la mise en place de cathéters ou les ponctions artérielles.
En France, depuis 2002, les nuits de garde des internes ne peuvent plus être suivies d’une journée de travail dans le service hospitalier.
« Jama », vol. 296, n° 9, pp. 1055-1062, 6 septembre 2006.
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