La récente étude publiée par une équipe de l’Inserm dans le Journal of the Amrican Heart Association, dite Etude des Trois Cités, menée sur 6 000 femmes âgées de plus de 65 ans par une équipe de chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 1018 « Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations ») montre que des taux élevés d’œstradiol sanguin sont associés à un risque plus important d’infarctus du myocarde ou d’accident vasculaire cérébral. Des conclusions que tempère aussitôt le Pr Jean-François Arnal (Professeur de Physiologie médicale au CHU de Toulouse et responsable de l’Equipe 9 du Centre Inserm 1048-12MC) : « Il s’agit d’une étude cas-témoins qui rapporte une augmentation modérée (de l’ordre de 15%) des taux d’oestradiol sanguin chez des femmes ménopausées de plus de 65 ans ayant fait un accident cardio-vasculaire par rapport à celle n’en ayant pas fait. Comme l’indiquent ses auteurs, cette étude ne permet pas d’établir de lien de causalité entre ces faibles taux circulants d’estrogènes après la ménopause et le risque artériel ». Il faut dire que ces hormones portées aux nues voilà encore une dizaine d’années, sont désormais reléguées aux oubliettes. « Probablement à tort », souligne le Pr Arnal.
C’est durant l’été 2002 que paraissait dans le Jama la Women Health Initiative (WHI), cette fameuse étude qui allait bouleverser le cours de l’histoire de la prise en charge du traitement hormonal substitutif de la ménopause (THM). Dix ans plus tard, ou en sommes-nous au même point sur les effets néfastes du THM sur le risque cardio-vasculaire ?
Dans un premier temps, les œstrogènes furent crédités d’un bénéfice coronarien tant par des études épidémiologiques suggérant que les femmes sont protégées par leurs œstrogènes sur le plan coronarien (puisque spontanément elles soufrent moins d’infarctus du myocarde que les hommes), puis par l’étude des infirmières américaines (Nurses Health study) qui montrait que les femmes ménopausées sous THM avaient un risque vasculaire réduit par rapport à celles qui n’en prennent pas, en accord avec tous les travaux sur les modèles animaux de développement athéromateux.
Des certitudes ébranlées
Toutes ces promesses vasculaires des OE ont été ébranlées d’abord par la Heart and Estrogen Replacement Study (HERS) en 1998 puis par la WHI en 2002. Ce dernier essai randomisé avait comparé la survenue d’événements chez des femmes ménopausées traitées par OE équins associés à l’acétate de medroxyprogestérone versus un groupe de femmes traitées par placebo. « Cet essai qui a concerné plus de 16 000 femmes a été promu par Hilary Clinton afin d’améliorer l’état de santé des femmes aux USA», explique le Pr Arnal. Les résultats sonnèrent, à leur annonce, le glas du TSM en montrant un accroissement du risque coronarien chez les femmes, et en confirmant l’augmentation du risque de cancer du sein.
Depuis, les résultats de l’étude WHI ont été complétés et réanalysés. En 2004, le rôle nocif du progestatif a été pointé : les femmes hystérectomisées recevant uniquement l’OE avaient un risque similaire à celles recevant le placebo. Quelques années plus tard, ce fut la notion de l’âge de prescription initiale du THM qui a émergé : le risque coronarien des femmes de moins de 60 ans, ou celui des femmes ayant reçu le THM dans les dix premières années de leur ménopause, tendait à être inférieur à celui des femmes recevant le placebo ! Des travaux menés sur les primates et publiés en 2001 montrer que l’efficacité de la prévention de l’athérosclérose coronaire est d’autant plus grande que les E2 sont administrés dès le début de la privation œstrogénique, en relais des E2 endogènes, et que ce bénéfice disparaît si ce traitement est différé de plusieurs années. Ce qui correspond malheureusement au schéma de WHI, dans lequel les femmes ont commencé à être traitées en moyenne 11 années après la survenue de la ménopause . Par ailleurs, le profil lipidique protecteur des femmes qui disparaît à la ménopause, est restauré par une oestrogénothérapie substitutive. Et d’autres essais, dont celui conduit par PY Scarabin dans l’étude ESTHER, suggère que la voie transdermique d’administration hormonale n’augmente pas le risque thromboembolique à la différence des OE par voie orale. Cette forme galénique permet de shunter le passage hépatique qui induit l’augmentation des facteurs de la coagulation d’origine hépatique.
Selon le Pr Arnal, « Il est légitime de considérer actuellement que les OE n’augmentent pas le risque coronarien dès lors qu’ils sont administrées dans les 10 premières années de la ménopause, et qu’il pourraient même avoir un effet protecteur. Ils permettent de prolonger la protection artérielle que conférent les oestrogènes endogènes avant la ménopause, et ce d’autant plus que les facteurs de risque sont absents ou contrôlés. Ils demeurent contre-indiqués en cas de pathologie coronaire avérée ou si les facteurs de risque ne sont pas contrôlés ».
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