De notre correspondante
à New York
« POUR LE MOMENT, une estimation de la filtration glomérulaire, fondée sur le taux sérique de la créatinine, offre la meilleure mesure de la fonction rénale et constitue un puissant prédicteur de la maladie cardio-vasculaire », souligne le Dr Thomas Hostetter, directeur du National Kidney Education Program au National Institute of Health (Bethesda) dans un éditorial, publié par le « New England Journal of Medicine .
Si l'insuffisance rénale terminale (filtration glomérulaire inférieure à 10 ml/minute/1,73m2 de surface corporelle) majore considérablement le risque de décès et de maladie cardio-vasculaire, les études n'ont pas bien défini quels sont les effets d'une atteinte moins sévère.
Or on estime, aux Etats-Unis, que plus de 11 millions de patients ont une maladie rénale chronique reflétée par une filtration glomérulaire (FG) inférieure à 60 ml/minute/1,73 m2 de surface corporelle. Il a été montré récemment que bon nombre d'entre eux décèdent prématurément de maladie cardio-vasculaire, avant d'arriver au stade de la dialyse ou de la transplantation.
Deux études publiées dans la même revue consolident le lien épidémiologique entre les maladies rénale chroniques et cardio-vasculaires.
Plus de 1,12 million de personnes.
L'étude de Go (Kaiser Permanente of Northern California) et coll. porte sur des adultes de la région de San Francisco qui ont eu un ou plusieurs dosages de la créatinémie entre 1996 et 2000. L'étude porte ainsi sur plus de 1,12 million de personnes.
La filtration glomérulaire a été estimée sur la base de la créatininémie, en utilisant l'équation Mdrd (elle tire son nom de l'étude « Modification of Diet in Renal Disease ») qui tient également compte de l'âge, du sexe et de l'ethnie.
Ils ont étudié l'association entre la filtration glomérulaire initiale et les risques ultérieurs de décès, d'incidents cardio-vasculaires, d'hospitalisation, au cours d'un suivi moyen de près de trois ans.
Leurs résultats montrent que les risques ajustés de décès, d'incidents cardio-vasculaires et d'hospitalisation s'élèvent au fur et à mesure que la FG baisse en dessous de 60 ml/minute/1,73 m2. La relation n'est pas linéaire, car si ces risques sont observés dès 60, ils s'élèvent considérablement lorsque la FG passe en dessous de 45 ml/minute/1,73 m2.
Accru de 40 % pour une FG entre 60 et 45.
En ce qui concerne le risque cardio-vasculaire, il est accru de 40 % lorsque la FG est comprise entre 60 et 45 (IC 95 % : de 1,4 à 1,5), double pour une FG comprise entre 44 et 30 (IC 95 % : de 1,9 à 2,1), puis triple presque pour une FG comprise entre 29 et 15 (IC 95 % : de 2,6 à 2,9), et est enfin multiplié par 3,4 pour une FG inférieure à 15.
Dans le cadre de l'étude Valiant (Valsartan in Acute Myocardial Infarction Trial), Anavekar, Pfeffer (Boston) et coll. ont recherché si une insuffisance rénale, même modérée, est de mauvais pronostic chez les survivants d'un infarctus du myocarde (IDM) traités efficacement par des inhibiteurs du système rénine-angiotensine.
Dans cette étude, plus de 14 000 patients avec un IDM aigu, compliqué d'une insuffisance cardiaque et/ou d'une IVG (clinique ou radiologique), ont été randomisés en trois groupes thérapeutiques : valsartan, captopril et l'association des deux.
La filtration glomérulaire a été estimée de la même façon que dans l'étude de Go et coll. Elle a été mise en relation avec le risque ultérieur de décès, ainsi que de complications cardiaques (fatales ou non) au cours d'un suivi moyen de deux ans et demi.
Un prédicteur indépendant.
Deux résultats sont importants à noter. Presque un tiers des survivants d'infarctus ont une FG suggérant une maladie rénale chronique. Ensuite, cette dysfonction rénale, même modérée, est un puissant prédicteur indépendant de complications cardio-vasculaires fatales ou non.
Ce risque est progressif. Pour une FG en dessous de 81, chaque baisse de 10 unités est associée à une majoration de 10 % du risque relatif de décès ou de complications cardio-vasculaires non fatales.
Ces deux études soulignent l'importance du dépistage précoce de l'insuffisance rénale chronique car c'est un facteur de risque facilement identifiable de complications cardio-vasculaires, observe le Dr Thomas Hostetter.
« Un dosage de la créatinine fait souvent partie d'un bilan clinique métabolique et si l'estimation de la FG était incluse dans les résultats, on améliorerait le taux de découverte de maladie rénale chronique insoupçonnée. »
« New England Journal of Medicine », 23 septembre 2004, pp. 1285, 1296 et 1344.
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