Après les campagnes orchestrées par l'OMS, la variole a été considérée comme éradiquée en 1979, et la vaccination de routine a peu à peu cessé dans tous les coins du monde. Officiellement, il ne reste des stocks de virus que dans deux laboratoires : au CDC d'Atlanta et à Novossibirsk. Que se passerait-il aujourd'hui en cas de contamination ? Il existe peut-être des centres détenant le virus clandestinement et peu sûrs.
On sait que le risque pour la population est fonction du potentiel de transmission du virus (nombre moyen de cas secondaires infectés par un cas primaire indiqué par la valeur « R0 ») et de la diminution de l'immunité.
Quelle est actuellement la « transmissibilité » de la variole ?
Au centre de microbiologie appliquée et de recherche (Salisbury, Royaume-Uni), on s'est efforcé de la calculer.
Boston en 1721, Budford en 1758, Chester en 1774, Warrington en 1773
Les exemples historiques des attaques de variole majeure de l'époque prévaccinale sont informatifs, même s'ils sont peu nombreux. L'analyse des morts cumulées à Boston (Etats-Unis) en 1721 et à Burdford (Angleterre) en 1758 donne des valeurs de R0 de 4,3 et 3,4. Les attaques épidémiques de Chester (1774) et de Warrington (1773) donnent des R0 de 5,8 et 4,7. En corrigeant pour différentes variables, on trouve une valeur moyenne de 4,8.
La variole est demeurée à l'état endémique à Londres entre le XVIIe et le XIXe siècle. Les statistiques hebdomadaires de mortalité ont été enregistrées, montrant des cycles des décès caractéristiques de la dynamique des maladies endémiques.
Avec des intervalles entre les épidémies de deux à trois ans, une sensibilité élevée à la maladie, une grande densité de la population et un manque de vaccinations, on trouve des R0 supérieurs à 5. Ce qui correspond au résultat trouvé en utilisant les informations fournies par Bernouilli sur la variole à Paris en 1766.
Dès le début des années cinquante, la variole n'était plus endémique en Europe. Elle a persisté cependant sous la forme d'attaques isolées par importation, en dépit de l'immunité collective des populations européennes.
La Yougoslavie en 1972
L'une des épidémies les mieux documentées est celle qui est survenue en ex-Yougoslavie en 1972. On ne s'est aperçu de son existence qu'à la deuxième génération de l'infection (R0 de 5). Par la suite, 95 % de la population a été vaccinée et des quarantaines ont été instituées : le R0 a chuté rapidement au-dessous de 1.
Entre 1958 et 1973, il y eut trente exemples recensés de cas de variole d'importation, avec un R0 de 5,5.
Les estimations sont influencées par les taux antérieurs de vaccination : un taux de 50 % donne un R0 de 11.
On note qu'environ la moitié des cas des épidémies européennes a été acquise à l'hôpital par les soignants ou les patients avant que l'on ait connaissance de la maladie.
Par ailleurs, l'estimation du R0 varie dans le temps comme dans l'espace, comme pour d'autres maladies infectieuses. Entre les années 1700 et 1900, ils ont été de l'ordre de 3,5 à 6, mais proches de 10 à 12 dans des circonstances particulières : surpopulation, conditions socio-économiques défavorables, existence de maladies associées.
Au total, cette publication indique que si une nouvelle épidémie apparaissait, on assisterait à une augmentation exponentielle du nombre des cas, à l'image de l'ère prévaccinale.
Raymond Gani et Steve Leach (Salisbury, Royaume-Uni), « Nature », vol. 414, 13 décembre 2001, pp. 748-751.
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