Congrès hebdo
« Un enfant de 5 ans est amené en consultation par ses parents pour une toux spasmodique posturale nocturne qui perdure depuis plusieurs années accompagnée de manifestations respiratoires hautes de type infections ORL récidivantes traitées par antibiothérapie. Vous apprenez à l'interrogatoire que l'enfant a des antécédents personnels et familiaux de RGO. Les EFR révèlent une hyperactivité bronchique sans syndrome obstructif. Vos investigations permettent de poser le diagnostic d'allergie aux protéines du lait de vache avec pour conséquence un reflux gastro-oesophagien objectivé par la pHmétrie. »
Ce cas clinique résume assez bien le mode de révélation du RGO, où les symptômes digestifs ne sont pas au premier plan ; ils sont absents dans 20 à 50 % des cas (d'après Alvinji, 1997). A côté de la bronchite et de la pharyngite, la toux et l'asthme (lié soit à des microaspirations du contenu gastrique, soit au mécanisme du reflux lui-même, c'est-à-dire à l'acidification du bas oesophage) sont les manifestations respiratoires très fréquemment associées aux RGO. De 6 à 10 % des toux chroniques sont liées à un RGO. « L'association asthme et RGO est un facteur prédictif d'efficacité du traitement médical. Parmi les manifestations ORL, la laryngite peptique postérieure signe la présence d'un RGO », indique le Dr Thierry Vallot.
A l'origine de symptômes et de complications provoqués par le contact trop fréquent et/ou trop prolongé du contenu gastrique avec la muqueuse oesophagienne, le RGO concerne 7 millions de personnes en France.
Valeur diagnostique du pyrosis
Le pyrosis avec les régurgitations fait partie des symptômes digestifs évocateurs de RGO, dont les facteurs déclenchants peuvent être certains médicaments, des efforts, le tabac, le stress, l'alimentation. « La valeur diagnostique du pyrosis dans le RGO a une faible sensibilité et une forte spécificité », explique le Dr Vallot. Vingt-deux pour cent des malades qui ont des signes évocateurs de RGO n'ont ni sophagite ni acidification de l'oesophage excessive. Les autres symptômes digestifs associés sont les brûlures épigastriques, les douleurs abdominales, les éructations, les nausées et les vomissements. « La dysphagie, symptôme retrouvé à l'interrogatoire, est un élément déterminant des explorations complémentaires. En revanche, il n'existe aucune valeur prédictive de la symptomatologie sur l'existence d'une sophagite », souligne le Dr Vallot.
Pour lui, il faut se méfier de l'expression clinique du RGO chez le sujet âgé où les signes d'appel sont souvent frustes et atypiques. « Une anémie hypochrome peut être révélatrice d'un RGO », affirme le spécialiste.
Quel que soit l'âge, la plainte est étroitement dépendante du profil psychologique du patient.
Les explorations complémentaires
L'endoscopie digestive haute diagnostique l'sophagite de bas grades 1 et 2 (dans 95 % des cas) et, dans 5 % des cas, révèle une sophagite compliquée et sévère dont les facteurs favorisants sont : l'âge > 60 ans, un mauvais état général, une dysphagie associée, une anémie, une hémorragie, une résistance au traitement, une récidive précoce à l'arrêt du traitement.
« L'endoscopie digestive haute permet dans 3 à 5 % des cas de diagnostiquer une muqueuse de Barrett où le processus de cicatrisation remplace la muqueuse malpighienne sophagienne par une muqueuse glandulaire favorisant l'apparition d'une dysplasie et faisant le lit de l'adénocarcinome. Les autres lésions révélées par cet examen sont les cancers sophagien et gastrique », explique le Dr Guillaume Cadiot.
La pHmétrie sur 24 heures (temps d'acidification de l'sophage sur 24 heures) est indiquée en cas de symptomatologie atypique, en l'absence d'sophagite, avant chirurgie du RGO et en cas de résistance au traitement antisécrétoire.
La stratégie thérapeutique
Dans le cadre de la stratégie thérapeutique, le Dr Cadiot distingue quatre situations :
1) En cas de symptômes typiques, espacés sans signes d'alarme, un traitement à la demande sera mis en place, comprenant des antiacides faiblement dosés, des alginates associés à des mesures hygiénodiététiques et posturales.
2) En cas de symptomatologie typique, rapprochée (< 1 semaine), sans signes d'alarme, un traitement antisécrétoire pendant quatre semaines sera instauré à base d'inhibiteur de la pompe à protons à demi-dose ou d'anti-H2. A quatre semaines, on arrête le traitement en cas de succès thérapeutique, sinon on pratique une endoscopie digestive.
3) En cas de symptômes d'alarme chez un sujet âgé de plus de 50 ans, on pratiquera une endoscopie. En l'absence d'sophagite ou en cas d'sophagite de bas grade, un traitement par IPP demi-dose sera instauré pendant quatre semaines ; en cas d'échec, l'IPP sera prescrit à pleine dose pour une période similaire.
Si l'examen endoscopique révèle des complications sophagiennes, l'IPP sera prescrit à pleine dose pendant huit semaines avec contrôle endoscopique à la fin du traitement.
4) En cas de manifestations extradigestives, une endoscopie plus ou moins associée à la pHmétrie seront pratiquées. Un traitement par IPP simple dose ou double dose sera instauré pendant quatre à huit semaines, sous réserve que le diagnostic de RGO soit établi et que la responsabilité du RGO sur les symptômes soit prouvée ou fortement suspectée.
D'après un amphi organisé par les Laboratoires AstraZeneca animé par les Drs Thierry Vallot (CHU Bichat, Paris) et Guillaume Cadiot (CHRU, hôpital Robert-Debré, Reims) et présidé par le Pr Jean-François Bretagne (CHRU, hôpital de Pontchaillou, Rennes) et d'après le forum interactif en sous-groupes animé par l'UNAFORMEC.
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