Livres
Alexandra David-Néel, qui est morte en 1969, c'est 101 ans d'une vie menée tambour battant, d'aventurière, d'ethnologue, d'orientaliste spécialiste du bouddhisme dont elle a témoigné dans plus d'une vingtaine d'ouvrages, car elle était avant tout une merveilleuse conteuse.
Incapable de continuer à vivre avec son mari, que pourtant elle aimera toute sa vie, après avoir découvert ses infidélités, elle quitte la France à l'âge de 43 ans - pour quelques mois, pensait-elle, mais elle ne reviendra que quatorze années plus tard - pour un périple en Chine, au Japon, à Ceylan, en Inde, qui la conduira en 1924 au Tibet. Pour entrer à Lhassa, alors interdit aux étrangers et sous occupation britannique, elle se déguise en mendiante, traverse l'Himalaya à pied pendant neuf mois et réussit à vivre deux mois incognito à Lhassa avant d'être arrêtée et expulsée.
Une expérience physiquement difficile mais qui l'a comblée et où elle s'est révélée. Elle a fait sien le royaume de Shambhala (« la source du bonheur »), royaume imaginaire, paradis terrestre que beaucoup croient réels, le rêve des Tibétains. Et son rêve tibétain, elle a réussi à le communiquer à ses lecteurs à travers la description qu'elle en fit dans ses ouvrages.
On le retrouve dans ce texte présenté par Dominique Agniel, « Voyage au Tibet. Sur les pas d'Alexandra David-Néel », une série d'entretiens radiophoniques enregistrés en 1954, lorsqu'elle avait 86 ans.
Il s'agit d'un récit destiné au grand public, dans lequel Alexandra David-Néel privilégie l'anecdote au détriment de l'analyse. Elle raconte ses pérégrinations à pied dans l'Himalaya, décrit hommes et femmes, humbles ou rois qui composaient la société d'alors et, bien sûr, l'aspect religieux puisque l'on comptait à l'époque plus de 6 000 monastères. Elle relate ses rencontres avec les grands maîtres, son initiation aux pratiques ésotériques, ou bien décrit - sans complaisance - ce qu'elle voit : une société féodale, parfois cruelle, avec ses brigands, ses criminels, ses intrigues et ses injustices. Un double niveau de récit, tour à tour subjectif et journalistique, parfois déroutant.
Pas plus aujourd'hui qu'au début du XXè siècle, il n'est permis de voyager librement au Tibet. Et les Chinois, qui y sont désormais majoritaires - 7,5 millions pour 6 millions de Tibétains - ne montrent plus le pays que sous son aspect traditionnel, religieux et de plus en plus folklorique. Seule la nature reste indemne, comme en témoignent les belles photographies de Michel Gotin qui a tenté de saisir aussi, par son objectif, l'âme de ce peuple menacé. Un double témoignage de vivacité entre rêve et réalité.
Editions du Garde-Temps, 128 p. quadri, 28 euros.
A lire aussi :
« Pour que refleurisse le monde », des entretiens entre l'écrivain français Irène Frain et Jetsun Pema, la sur du Dalaï-Lama, une personnalité tibétaine de premier plan qui dit le regard qu'elle porte sur l'Occident et sur la femme occidentale, la vision bouddhiste de l'éducation et de la féminité (Presses de la Renaissance, 260 p., 19 euros).
« Tibet, otage de la Chine », de Claude B. Levenson, la biographe du dalaï-lama - qui préface l'ouvrage ; l'auteur, qui a découvert le Tibet en 1984, témoigne de la destruction progressive de son peuple et de sa culture sous le joug de l'occupation chinoise, un livre plus émotionnel que polémique (Philippe Picquier, 292 p., 18,50 euros)
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