MALHEUREUSEMENT POUR LUI, les commentaires de presse ne sont guère élogieux. Pourtant, la campagne a été minutieusement préparée. Sachant que les médias n'aiment publier des entretiens que s'ils contiennent un effet d'annonce, M. Raffarin en a réservé un à chacun de ses interlocuteurs. Ce qui l'a conduit à parcourir un champ assez vaste et à faire une série de mises au point sur les mesures adoptées par son gouvernement, notamment dans le cadre de la préparation du budget.
SCHRÖDER A DÉMONTRÉ QU'IL N'Y A PAS D'ALTERNATIVE DE GAUCHE AUX REFORMES
Quelques corrections.
Le Premier ministre a donc corrigé de précédentes allégations de ses propres ministres, en particulier Nicolas Sarkozy et François Fillon : sur l'abattement supplémentaire relatif à l'impôt sur la succession (50 000 euros par héritier et non 100 000), sur la Pentecôte, jour férié qui, en définitive, ne sera pas supprimé, sauf à l'école, à charge pour les entreprises d'en trouver un autre. M. Raffarin ne répond pas aux questions sur sa cote de popularité, sur les rumeurs de son remplacement par Dominique de Villepin, sur le fait qu'il tire sa légitimité uniquement de la volonté du chef de l'Etat. En privé, il laisse entendre qu'il ne partira pas de sitôt et qu'il s'apprête à passer toute l'année prochaine à Matignon.
C'est de bonne guerre : on le voit mal affirmer que le cap des réformes « désagréables » est franchi, que le gouvernement va maintenant lancer des réformes dont les Français éprouveront tout le charme, et en même temps qu'il n'aura pas le temps d'accomplir un tel programme.
On aura remarqué en tout cas que Nicolas Sarkozy, depuis qu'il a conclu avec Jacques Chirac un accord qui lui permet de présenter sa candidature à la présidence de l'UMP, adopte un profil bas. Il n'est pas impossible qu'une des dispositions de l'accord exige de lui qu'il laisse à M. Raffarin un espace pour exister et même pour respirer. Bref, on n'est pas vraiment sorti de cette bourrasque qui souffle sur l'exécutif et provoque autant de ravages sur la crédibilité de nos gouvernants, tout occupés qu'ils sont à établir l'équilibre de leurs influences respectives, que les cyclones qui ont dévasté quelques Etats américains.
Le « sale travail ».
On n'en reconnaîtra pas moins le stoïcisme de M. Raffarin qui tente de montrer non pas qu'il s'accroche au pouvoir mais qu'il l'exerce puisque, nous explique-t-il, grâce à la croissance, il va pouvoir créer des emplois. Ce ne sera pas un hasard si la courbe du chômage s'inverse, ajoute-t-il, car son gouvernement prépare depuis plus de deux ans le retour de la croissance et que toutes les mesures qui ont tant irrité le peuple vont jouer à plein au moment de la reprise.
Il n'est pas question de douter de la sincérité du Premier ministre ni de nier qu'il soit arrivé à Matignon avec de grandes ambitions. Pas plus qu'il ne serait raisonnable de porter un jugement méprisant sur des réformes, celles des retraites, de l'assurance-maladie, et sur les premières avancées en matière de fonction publique et d'éducation. Les criailleries de la gauche, qui doit, secrètement, reconnaître que la droite a fait le « sale travail » d'assainissement, n'enlèvent rien au travail du gouvernement. Lequel a d'ailleurs été relativement timide ; car l'opposition s'est empressée, dès 2002, de lui faire la pire des réputations. C'est de ce monceau de jugements assassins déversé sur sa tête que M. Raffarin souffre aujourd'hui. Il est en bonne compagnie : Gerhard Schröder, en Allemagne, semble politiquement condamné parce qu'il a réformé la santé et l'assurance-chômage. Aussi, quand l'opposition affirme qu'il y a une autre grande réforme à faire, mais qu'elle va dans une autre direction, elle se moque du monde. Les idées avancées par nombre de membres du PS nous conduiraient à encore plus de déficit et probablement moins d'emplois, en dehors des postes de travail créés par l'Etat et financés à perte par les contribuables. Comment les socialistes pourraient-ils être les derniers en Europe à préconiser ce que M. Schröder n'a pas voulu ? Et l'immense tentation du non au référendum sur la Constitution européenne ne contient-elle pas en gestation un rêve d'autarcie ?
Aventures mortelles.
Certes, on ne voit pas Laurent Fabius sortir la France de la monnaie unique ou des autres institutions européennes. Mais le phénomène de surenchère qui a rendu M. Raffarin si impopulaire va se poursuivre dans une campagne antieuropéenne où vont se retrouver, côte à côte, des hommes aussi différents qu'Henri Emmanuelli, Philippe de Villiers, Marie-George Buffet et Jean-Marie Le Pen ?
Les Français, qui ont accablé d'injures M. Raffarin, ne se rendent pas compte que les sacrifices qu'il leur a demandés sont quantité négigeable par rapport aux aventures mortelles vers lesquelles nous poussent quelques irresponsables qui, pas plus ni moins que Raffarin, vénèrent le pouvoir.
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