ON NE NÉGLIGERA PAS l'impact du retour de Martine Aubry, fermement soutenue par Laurent Fabius, sur le devant de la scène politique : les Français éprouvent un doute croissant sur la compétence de la droite face aux effets pervers de la mondialisation, à commencer par la hausse des prix des matières premières et des produits alimentaires.
L'idée, dangereuse comme tout ce qui se réfère à un passé révolu, se développe donc que le temps des socialistes était le bon vieux temps. Au moment où la majorité actuelle songe à démanteler les 35 heures, Martine Aubry, avec son entêtement habituel, se déclare « fière » de les avoir mises en place. Dans son discours, elle a distribué les critiques aussi bien à Ségolène Royal, pour laquelle elle n'a jamais eu la moindre considération, qu'à Bertrand Delanoë, à qui elle ne pardonne pas son soudain libéralisme. Chez les militants socialistes, parmi lesquels leurs chefs se sentent toujours plus à l'aise qu'au sein de l'opinion générale, ce retour aux idées de base du PS est perçu comme une excellente chose.
C'est la faute de Sarkozy.
Nicolas Sarkozy est l'artisan de ce phénomène : en créant et en entretenant le désordre, il a justifié le choix de tous les Français qui ont voté Royal et renforcé ces convictions qui fleurissent sur le terreau de la misère, des craintes et des contraintes. En même temps qu'Olivier Besancenot se transforme en option électorale, le PS revisite sa gauche avec le souci de faire coïncider la morale et la gestion. La gauche qu'incarne Martine Aubry (avec d'autres) prône l'ascèse pour soi et la générosité pour les autres. Elle combat les inégalités, mais aussi les ambitions personnelles.
ON NE FORME DES CLANS QUE POUR STIGMATISER CEUX QU'ON A EXCLUS
Cependant, l'exercice a ses limites. Martine Aubry a le droit d'être fière des 35 heures ; il faut quand même de la mauvaise foi ou de l'aveuglement pour ne pas en discerner les malheureuses conséquences. On comprend que, même quand elle avait des difficultés à Lille (où, en définitive, elle a remporté un triomphe aux élections municipales cette année), elle s'élevait avec force contre les détracteurs de la réduction du temps de travail en apportant à la réflexion publique une moisson de chiffres censés démontrer que la RTT avait créé des emplois. La RTT n'est pas un crime en soi ; elle a été mise en oeuvre au plus mauvais moment, celui où il fallait produire plus pour atténuer les effets de la mondialisation. Le choix des 35 heures a été une erreur historique dont nous ne nous sommes pas relevés à ce jour.
De même, on peut être fier de la CMU et de quelques autres splendides dispositions sociales, mais on ne peut pas être fier des déficits qu'elles ont alimentés. En d'autres termes, l'exaltation de l'action passée n'a aucun effet sur l'action à venir, qui ne saurait être la simple continuité de ce que les socialistes faisaient quand ils étaient aux affaires.
Ce beau et mystérieux nom de « reconstructeurs » recouvre en réalité encore un camp né des divisions du Parti. Il s'agit de faire pièce aux ambitions de Mme Royal et de M. Delanoë parce qu'ils auraient commis le sacrilège de ne pas s'appliquer à eux-mêmes la discipline du Parti et de s'inscrire dans le cadre électoral de 2012 avant même que les socialistes se soient mis d'accord sur un programme, avant que chaque prétendant possible ait exprimé ses idées, avant que le débat interminable des militants parvienne à un terme improbable.
Il faut un chef.
Le maire de Paris et la présidente de Poitou-Charentes savent pertinemment que le débat est permanent et que les institutions, avec la durée du mandat présidentiel ramené à cinq ans et la coïncidence des législatives et de la présidentielle, les contraignent à se découvrir : l'échange d'idées n'enlève à la nécessité impérieuse d'avoir un homme (ou une femme) pour incarner l'opposition. C'est le système qui l'exige.
À tout cela s'ajoute la confusion apparente que font les socialistes entre la désignation d'un premier secrétaire pour remplacer François Hollande, qui quittera ses fonctions lors du congrès de novembre à Reims, et la désignation d'un candidat à la présidence. Au forum des reconstructeurs, il y avait les deux types de personnes, celles qui souhaiteraient succéder à François Hollande et celles, infiniment plus rares et discrètes, qui souhaitent succéder à Nicolas Sarkozy. C'eût été déjà un grand pas si, dimanche dernier, les socialistes avaient levé cette ambiguïté, mais la vérité est que, en dehors de la réaffirmation de son ancrage à gauche par Martine Aubry, il ne s'est rien passé de décisif au forum.
Enfin, on s'étonnera toujours de ces réunions où l'on trie les gens. Pourquoi Mme Royal et M. Delanoë n'étaient-ils pas présents ? Qui a décidé qu'ils n'étaient pas des reconstructeurs ? Pourquoi Mme Aubry ne dit-elle pas son fait à Mme Royal en sa présence et ne lui donne-t-elle pas l'occasion de répliquer ? On verrait dans ces rassemblements une atteinte à la démocratie si on ne savait qu'ils participent des clans qui se forment dans la cour de récréation et dont l'objectif consiste surtout à faire de la peine à celui qu'on a ainsi exclu.
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