DES TRAVAUX américains indiquent que l'administration d'acide ascorbique par voie intraveineuse pourrait constituer un traitement alternatif pour plusieurs types de cancers et peut-être même pour certaines maladies infectieuses.
L'intérêt de la vitamine C dans le traitement du cancer est discuté depuis plus de trente ans : Dans les années 1970, plusieurs études ont suggéré que 10 grammes d'acide ascorbique par jour pouvaient améliorer l'état de patients atteints de cancers. Cependant, deux études menées en double aveugle à la fin des années 1970 et dans les années 1980 ont remis en cause ces résultats en démontrant que l'effet de la vitamine C était comparable à celui d'un placebo. Fait remarquable, alors que, dans les premières études, l'acide ascorbique était administré par voie orale ou par voie intraveineuse, les essais contre placebo n'ont utilisé qu'une seule méthode d'administration, la voie orale. Or des études pharmacocinétiques récentes ont montré que l'administration de 10 grammes d'acide ascorbique par intraveineuse conduit à une concentration plasmatique de la molécule plus de 25 fois supérieure à celle obtenue à la suite d'un administration par voie orale.
De plus, un effet cytotoxique de l'acide ascorbique sur les cellules tumorales semble réellement exister : au moins trois équipes de recherche ont observé le phénomène in vitro.
Enfin, l'acide ascorbique est une molécule peu coûteuse et bien tolérée par les malades. Malgré les résultats peu concluants des essais contre placebo, de nombreux patients souffrant de cancers choisissent d'avoir recours à des traitements complémentaires ou alternatifs se fondant notamment sur l'injection de vitamine C à raison d'au moins 10 grammes par jour. Si l'efficacité de ces injections n'est pas connue, cette pratique ne semble pas engendrer d'effets secondaires majeurs.
Les conditions mimant celles d'une administration I. V.
L'ensemble de ces informations a conduit Chen et coll. à lancer une nouvelle étude de l'effet de la vitamine C sur les cellules cancéreuses. Les chercheurs ont décidé de travailler in vitro sur des cellules en culture, dans des conditions expérimentales qui miment celles d'une administration de la molécule par voie intraveineuse.
Concrètement, Chen et coll. ont commencé par évaluer la toxicité de l'acide ascorbique sur quatorze lignées de cellules - dix lignées cancéreuses et quatre lignées témoins non transformées. Ces lignées cellulaires ont été exposées une heure durant à différentes doses d'acide ascorbique, une dose physiologique (0,1 mM) et toute une gamme de doses pharmacologiques (0,3 à 20 mM).
Cette expérience préliminaire a montré que si les cellules normales résistent aux plus fortes doses de vitamine C testées, la moitié des lignées tumorales sont sensibles à l'acide ascorbique dès les faibles doses pharmacologiques. La lignée la plus sensible parmi celles qui ont été testées dérive de lymphomes humains. Une exposition d'une heure à une dose de 0,5 mM d'acide ascorbique suffit à tuer 50 % des cellules de cette lignée. La mort cellulaire intervient par apoptose et nécrose.
La cytotoxicité dépend du peroxyde d'hydrogène.
Chen et coll. ont poursuivi leur étude en tentant de décrypter les mécanismes moléculaires à l'origine de l'effet cytotoxique de la vitamine C. Ils ont pu établir que la mort des cellules tumorales est médiée, non pas par l'acide ascorbique intracellulaire, mais par les molécules de vitamine C présentes dans le milieu extracellulaire. La cytotoxicité est indépendante de la présence de chélateur, mais absolument dépendante de la formation de peroxyde d'hydrogène. La formation de peroxyde d'hydrogène dépend quant à elle de la concentration en acide ascorbique, du temps d'incubation et de la présence de 0,5 à 10 % de sérum. Elle est corrélée à la formation de radicaux libérés à partir de l'acide ascorbique.
Ces données suggèrent que la vitamine C pourrait être un précurseur du peroxyde d'hydrogène, lui-même responsable de la mort des cellules tumorales.
Le peroxyde d'hydrogène étant par ailleurs connu pour son pouvoir antimicrobien, Chen et coll. suggèrent que l'administration de vitamine C par voie intraveineuse présente potentiellement un intérêt non seulement dans le cadre du traitement de certains cancers, mais aussi dans celui de différentes maladies infectieuses.
Chen et coll., « Proc Natl Acad Sci USA » du 20 septembre 2005, pp. 13604-13609.
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