Généralités
La prise en charge des rhumatismes inflammatoires a grandement évolué au cours des dernières années et a fait récemment l'objet de recommandations de l'EULAR et de la Haute Autorité de santé (HAS). Elle a été transformée, d'une part, par la mise à disposition de nouveaux traitements particulièrement efficaces, au premier rang desquels se situent les anti-TNF alpha, et, d'autre part, par la validation scientifique de nouvelles stratégies de prise en charge, comme la nécessité de commencer un traitement efficace le plus précocement possible. La prise en charge des rhumatismes inflammatoires a maintenant comme objectif la mise en rémission des patients, de plus en plus souvent envisageable, et le contrôle, ou mieux, la prévention de la progression structurale, notamment dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et le rhumatisme psoriasique. C'est dans la PR que la nécessité de cette prise en charge précoce est la mieux documentée.
Prise en charge précoce
La nécessité d'une prise en charge précoce s'appuie sur de nombreuses données fondamentales. Au stade initial, la synovite inflammatoire est parfaitement réversible et très accessible aux traitements qui sont notamment pour les traitements dits de « fond » plus efficaces que lorsqu'ils sont appliqués tardivement. À ce stade, les lésions ostéo-cartilagineuses irréversibles sont le plus souvent absentes, bien que ces lésions puissent être très précoces, et visibles dès les trois à six premiers mois de la maladie. Des études cliniques récentes ont confirmé l'intérêt d'un traitement très précoce comportant surtout l'institution d'un traitement efficace sur la dégradation ostéo-cartilagineuse. Il semble particulièrement important d'instituer dans les trois à six premiers mois de la maladie, notamment dans les formes actives et potentiellement sévères, un traitement de « fond » capable de limiter cette destruction articulaire habituellement objectivée sur les clichés radiographiques. Il a été montré dans plusieurs études qu'un délai de quelques mois dans l'institution d'un tel traitement se traduisait par une augmentation des lésions radiographiques, par une augmentation du handicap fonctionnel et de l'incapacité de travail au bout de deux à cinq ans. D'autres études ont également montré que l'institution d'un traitement de fond « intensif » d'emblée permettait d'augmenter nettement le taux de patients en rémission clinique et de prévenir ou de limiter la destruction articulaire à court ou moyen terme. Ces traitements intensifs comportaient soit des associations de traitements de fond avec des corticoïdes, soit surtout des anti-TNF. En fait, d'après ces études, tout retard à l'institution d'un traitement de « fond » efficace sur la progression articulaire ne se rattrape jamais.
Démarche
La démarche diagnostique dans les arthrites inflammatoires débutantes.
La nécessité d'une prise en charge très précoce justifie donc un diagnostic dans les trois à six premiers mois après le début des symptômes. Le diagnostic d'une PR débutante est cependant difficile. Il s'applique autour d'un faisceau d'arguments comportant essentiellement des manifestations cliniques évocatrices. Parmi les examens biologiques, le facteur rhumatoïde reste utile même si sa sensibilité et sa spécificité sont insuffisantes. Les anticorps anti-CCP (antipeptide cyclique citrulliné) sont très spécifiques de la PR, mais la sensibilité même avec les tests les plus récents n'est que de l'ordre de 60 %. Pour contourner ce problème de subjectivité dans le diagnostic de la PR débutante, le consensus international actuel propose d'effectuer la démarche en trois étapes :
– première étape : reconnaître un rhumatisme inflammatoire débutant pouvant correspondre à une PR (= PR « possible ») ;
– deuxième étape : rechercher un autre diagnostic défini plus facile à affirmer ;
– troisième étape : rechercher devant cette PR « probable » des éléments permettant de prédire l'évolution vers une polyarthrite destructrice (érosions radiologiques précoces, syndrome inflammatoire important, anti-CCP +, F Rhumatoïde +...).
Stratégie
Une stratégie thérapeutique efficace d'emblée dans la PR débutante.
Devant une PR débutante évolutive ayant certains facteurs prédictifs de sévérité et d'activité, il sera donc nécessaire d'instituer un traitement de « fond » capable de limiter la destruction articulaire dès les premières semaines de la maladie. Dans ce domaine, les traitements classiques les plus efficaces sont le méthotrexate et le leflunomide. Si les anti-TNF sont les médicaments les plus efficaces, ils ne sont pas pour le moment recommandés en première ligne (coût, effets indésirables possibles) sauf dans les formes d'emblée sévères. Après l'institution de ce premier traitement, une surveillance rapprochée clinique, biologique et radiographique devra être mise en place afin de réviser la stratégie thérapeutique le plus rapidement possible si nécessaire et proposer éventuellement un traitement plus intensif (tq, anti-TNF).
La complexité de la prise en charge d'une PR débutante justifie actuellement une prise en charge spécialisée.
Dans les SpA
Dans les spondylarthropathies (SpA), le diagnostic doit aussi être précoce.
Même si l'on dispose de moins de données que dans la PR, il semble aussi que dans les SpA un diagnostic précoce puisse avoir un impact sur l'évolution. On sait par exemple que les formes sévères évoluent dès le début de la maladie, mais aussi que nos traitements peuvent avoir un effet sur les lésions inflammatoires, donc précoces et non sur les lésions structurales d'ossification plus tardives qui conduisent à l'ankylose irréversible.
Références
1) B. Combe, R. Landewe, C. Lukas et al.« Annals of Rheumatic Diseases » 2007 ; 66 : 34-45 (on line first 5 jan 2006).
2) www.has-sante.fr.
3) P. Emery, F.C. Breedveld, M. Dougados et al., « Ann Rheum Dis » 2002 ; 61 : 290-297.
4) T.W.J. Huizinga, K.P. Machold, F.C. Breedveld et al. « Arthritis Rheum » 2002 ; 40 : 1155-1159.
5) B. Combe. « Best Pract Res Clin Rheumatol ». 2007 ; 21 : 27-42.
Les points forts
– Devant un rhumatisme inflammatoire débutant, le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments et doit dépister les patients à risque de développer un rhumatisme chronique et érosif.
– En cas de suspicion de polyarthrite rhumatoïde débutante, un diagnostic et un traitement efficace doivent être établis dès que possible.
– Tout retard à l'instauration d'une prise en charge optimale ne se rattrape jamais.
– L'objectif doit être d'induire la rémission et de prévenir les lésions ostéoarticulaires irréversibles.
– Dans les spondylarthropathies également, il faut insister sur la nécessité d'un diagnostic précoce.
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