Deuxième cause de mortalité
Le suicide à l'adolescence constitue la deuxième cause de mortalité des 15-24 ans après les décès par accident. Le taux de suicidés est plus élevé chez les garçons, alors que la tentative de suicide est plus fréquente (79 %) chez les filles. La fréquence des récidives la première année (entre 30 et 50 %) plaide pour une prévention primaire efficace, avant la première tentative de suicide, acte toujours grave en lui-même et principal facteur de risque des suivantes.
Présentation de l'adolescent suicidaire
La crise suicidaire de l'adolescent témoigne généralement d'une souffrance importante concernant ses liens avec lui-même (son corps, son identité) et/ou son entourage familial, scolaire, etc.). Les ruptures scolaires et les tensions familiales sont fréquentes et beaucoup d'entre elles font part de ruptures et d'agressions physiques ou sexuelles (25 %). Ils peuvent cependant avoir des loisirs, un réseau d'amis et une grande diversité sociale.
Les symptômes présentés sont la plupart du temps très variés : des troubles somatiques facilement abordés aux troubles dépressifs masqués auxquels s'associent volontiers des troubles du sommeil. Les conduites addictives sont fréquentes (tabac, cannabis, psychotropes, café et autres excitants).
Il importe de rechercher activement les équivalents suicidaires qui sont autant de signes de mal-être devant faire évoquer une possible crise suicidaire, en rupture avec le comportement habituel de l'adolescent : négligence, laisser-aller, fugues, alcoolisations massives, conduites sexuelles à risques, accidents à répétition (scooter), autoagressivité, actes délictueux, etc.
Risque, urgence et danger
L'intensité de la crise suicidaire s'évalue de façon pragmatique en distinguant trois facteurs indépendants bien distincts. Cette évaluation objective oriente la décision de prise en charge, mais ne peut pas se substituer au vécu subjectif du médecin traitant qui connaît son patient depuis longue date.
1. Les facteurs de risque : antécédents personnels et familiaux de tentatives de suicide et de troubles dépressifs, hospitalisation, troubles psychiques induisant une plus grande fragilité identitaire (habituelle à l'adolescence), précarité de l'insertion sociale, antécédents de maltraitances physique et sexuelle.
2. Degré d'imminence du passage à l'acte, l'urgence suicidaire s'évalue par :
- le degré d'envahissement du sujet par les idées suicidaires : idées flash, occasionnelles, fréquentes, constantes et de plus en plus difficiles à chasser ;
- le niveau d'organisation du scénario suicidaire, avec dans l'ordre : comment ? où ? quand ? réalisation de préparatifs ? propos allusifs, menaces, lettre laissée sur un bureau ?
- la présence d'alternatives possibles : ressources personnelles et de l'entourage.
L'urgence est très variable dans le temps. Elle est faible si l'adolescent présente des idées occasionnelles sans scénario vraiment établi. L'urgence est moyenne si les idées suicidaires envahissent fréquemment le champ de conscience avec un scénario précis, mais le projet de sa réalisation reste éloigné et des alternatives restent possibles. L'urgence est élevée devant une planification précise, une date clairement fixée à court terme et un sentiment de désespoir et d'impuissance face à la souffrance ressentie. Attention, un patient peut aller mieux, alors même qu'il vient de décider de mettre son projet à exécution. Le niveau d'urgence est augmenté par une impulsivité forte et l'utilisation de toxiques, de psychotropes ou d'alcool (effets désinhibiteurs).
Il est nécessaire d'aborder le sujet de la mort directement avec l'adolescent et de poser des questions telles que « Penses-tu à mourir ? Souhaites-tu te donner la mort ? Y penses-tu souvent ? Sais-tu comment tu te suiciderais ? As-tu fait des préparatifs ? » Évoquer le suicide ne le provoque ou ne le facilite pas, au contraire ! Le médecin qui aborde le sujet de la mort montre au patient qu'il peut en parler avec l'assurance d'une écoute bienveillante et non réticente.
3. La dangerosité correspondant à la létalité du moyen envisagé et à son accessibilité. Attention de ne pas banaliser un projet d'apparence anodin.
Une crise suicidaire peut durer plusieurs mois, mais rapidement être décompensée par un événement d'apparence minime qu'il faut rechercher et comprendre. Un contexte de perte (deuil, rupture, incapacité, situation de crise familiale) est généralement à l'origine d'un vécu de situation insupportable.
La requalification du patient et la reconnaissance de ses difficultés sont des éléments essentiels de l'évaluation de l'intensité de la crise suicidaire. Nommer ses émotions permet au jeune de ressentir qu'elles peuvent être partagées et qu'il n'est plus seul avec. Comme souvent en psychiatrie, la démarche diagnostique est alors souvent thérapeutique en elle-même.
* Bibliographie sur demande.
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