LES PENSIONNAIRES des maisons de retraite sont non seulement affectés par une certaine détérioration physique, mais en plus ils sont privés de leur indépendance, de leur vie privée, de leur conjoint et de leur milieu familial. Facteurs qui conduisent à la solitude, la dépression et à une mauvaise qualité de vie. Les repas offrent une occasion de l’améliorer. «La nourriture et la nutrition sont les composants d’une “bonne vie”», estiment les Néerlandais Kristel Nijs et coll., qui publient un travail dans le « BMJ ». «Les repas permettent aussi aux pensionnaires d’avoir une relation sociale avec l’équipe et les autres résidents, et de faire des choix en fonction de leurs préférences personnelles.»
Dans une étude pilote, cette équipe a déjà montré que le fait d’améliorer l’ambiance sociale et matérielle pendant les repas permet de réduire le sentiment de déclin de la qualité de vie. Les résidents atteints de démence sont moins irrités, moins anxieux, moins agités, moins déprimés, et participent et communiquent davantage pendant les repas quand la nourriture est servie selon un mode familial ou quand il y a une ambiance musicale.
L’équipe néerlandaise a évalué pendant six mois l’intérêt des repas de type familial sur la qualité de vie, les performances physiques et le poids corporel. Elle a invité des maisons de retraite à participer à cette étude par le biais d’annonces dans un magazine distribué dans ces établissements. Parmi les établissements candidats, cinq ont participé à l’étude. Soit un travail sur 178 pensionnaires (moyenne d’âge : 77 ans) ; dans chaque maison de retraite, deux salles avec deux types de repas : groupe « repas familial » (n = 95) ou groupe contrôle (n = 83).
La table
Groupe « repas familial » : une nappe, de vrais verres, des assiettes normales, une décoration florale. Groupe contrôle : pas de nappe, des gobelets en plastique, des plateaux-repas tout prêts.
La nourriture
Groupe « repas familial » : plats cuisinés proposés dans des plats posés sur la table, choix entre deux types de légumes ou de viande, pas de sandwiches au petit déjeuner ou au dîner. Groupe contrôle : assiettes toutes prêtes ; les résidents choisissent leur menu deux semaines auparavant ; sandwiches autorisés.
Le protocole du personnel
Groupe « familial » : le personnel s’assied à la table et parle avec les résidents (au moins une infirmière ou une assistante en nutrition ou un volontaire par table) ; les médicaments préparés avant de commencer ; le personnel ne change pas pendant le repas ; salle à manger rangée dès la fin du repas quand tout le monde a terminé. Groupe contrôle : le personnel ne s’assied pas, il donne et enlève les plateaux, il distribue les médicaments, il quitte la salle quand il estime que personne n’a plus besoin d’aide.
Le protocole des résidents
Groupe « familial »: installation équilibrée des résidents (six par table) ; les pensionnaires décident quand la nourriture est apportée ; la plupart se servent eux-mêmes ; le repas commence quand tout le monde est assis ; avant de commencer à manger, chacun observe un moment de réflexion ou de prière. Groupe contrôle : les places sont attribuées selon la disponibilité ; on ne peut pas changer de plat si on n’aime pas ; le repas commence quand les plateaux arrivent.
Le protocole des repas
Groupe « familial » : pas d’autre activité (ni ménage ni visite du médecin), la salle à manger est fermée (visiteurs et soignants doivent y être entrés avant le début du repas et y rester jusqu’à la fin). Groupe contrôle : il peut y avoir ménage, visite du médecin, mouvement de linge ; famille et amis vont et viennent. La qualité de vie était évaluée grâce à une échelle en cinq rubriques concernant cinquante items. La performance physique portait notamment sur six tâches permettant d’évaluer les fonctions motrices « grosses » (se mettre debout, mettre ou enlever un pull-over, marcher ou utiliser un fauteuil roulant sur six mètres) et « fines » (manier une cuillère, se laver la figure, composer un numéro de téléphone).
En ce qui concerne la qualité de vie, les résidents du groupe « familial » sont restés stables pendant que les autres ont décliné ; le même avantage a été observé pour les fonctions motrices « fines ». Le poids est resté relativement stable dans ce groupe familial et a diminué dans l’autre groupe.
Conclusion des auteurs : «Des repas de style familial maintiennent la qualité de vie, les performances physiques et le poids corporel des pensionnaires non déments de maisons de retraite.»
« BMJ », édition avancée en ligne.
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