Une commission d'enquête parlementaire (rapporteur : François Lamy) a rendu son rapport sur le massacre de Srebrenica, le 11 juillet 1995, en Yougoslavie.
Le document met en en cause les responsabilités françaises et onusiennes : il dénonce en particulier les lourdeurs de la chaîne de commandement - les troupes de la FORPRONU étaient alors dirigées par un général français - qui ont empêché les soldats des Nations unies de combattre les troupes du général serbe Ratko Mladic, une des plus sombres figures du totalitarisme milosevicien.
On attendait l'ordre
Lorsque s'est produit l'épouvantable tuerie de Srebrenica, l'opinion s'est indignée du comportement des soldats néerlandais de l'ONU, restées impassibles parce qu'elles n'avait pas reçu l'ordre de se battre. Mais il appartenait au général Bernard Janvier de donner cet ordre. François Léotard, alors ministre de la Défense, défend l'officier supérieur, lui-même contraint par des pesanteurs bureaucratiques qu'il ne pouvait pas négliger sans outrepasser les directives de sa mission. Faut-il accabler l'ONU et l'OTAN, parce qu'elles n'ont pas su prévoir la férocité des Serbes, n'ont pas su donner l'indispensable délégation de pouvoirs à leurs forces sur le terrain, ont été incapables d'imaginer le pire ?
Elles n'ont pas voulu favoriser le crime, qu'elles regrettent sincèrement. Il demeure que 8 000 Bosniaques ont été froidement assassinés, sans compter les autres exactions serbes, viols et brutalités. Avant et après Srebrenica, nous n'avons cessé, ici même, de condamner la férocité serbe, ce qui nous valu quelquefois l'indignation de quelques-uns de nos lecteurs, qui estimaient que la crise yougoslave était une affaire interne, dans laquelle ni les Européens ni les Américains ne devaient s'immiscer et voyaient dans notre propre sévérité une sorte d'intolérance à l'égard la Serbie chrétienne.
Mais pas plus que l'on peut accepter les monstruosités commises par des musulmans ou des Arabes, on ne peut admettre que des chrétiens exterminent des musulmans. Que ce monstre de Mladic soit protégé aujourd'hui par le nouveau régime yougoslave assombrit l'image démocratique du président Vojislav Kostunica. On ne saurait pas transiger sur les principes au nom de la diplomatie ou de la Realpolitik.
La dérive belge
Si la France reconnaît elle-même que ses propres carences ont pu contribuer au massacre de Srebrenica, faut-il la traîner en justice ? La question est à dessein provocatrice et, bien sûr, la réponse est non. Supposons cependant que des musulmans bosniaques déposent une plainte contre l'Etat français devant la justice belge, dont nous avons rappelé récemment qu'elle s'estime compétente pour tous les crimes contre l'humanité. Les Français réagiraient avec colère, et beaucoup plus contre la Belgique que contre les familles des victimes. Pourtant, un tribunal belge examine en ce moment une plainte palestinienne contre Ariel Sharon, responsable, sinon coupable, des massacres de Sabra et de Chatila. On lui reproche d'avoir laissé agir une milice chrétienne ; personne n'accuse les troupes israéliennes d'avoir commis les massacres, qui ont fait neuf cents morts, civils et innocents. Si une plainte presque identique à propos de 900 victimes est valable, une plainte pour 8 000 morts l'est encore plus. On voit à quels embarras la législation belge expose les autorités de Bruxelles.
Une autre plainte a été déposée contre Yasser Arafat par un groupe de juifs européens, non pas à propos de l'intifada, mais de tous les actes de terrorisme qu'il a ordonnés et dont il s'est parfois glorifié, avant de devenir un diplomate de dimension internationale qui a reçu le prix Nobel de la paix.
Le Nobel de la paix a été octroyé à Ytshak Rabin, qui en est mort. Il a été accordé à Yasser Arafat qui, aujourd'hui, couvre ou ordonne des attentats-suicides en Israël, a délibérément tourné le dos à la négociation et à la paix en septembre 2000, et dont le bilan en pertes de vies humaines est probablement supérieur à celui de l'ex-général Sharon.
Le Nobel de la paix a été donné également à l'ONU cette année, cette même ONU qui n'a pas empêché le massacre de Srebrenica. Carence d'autant plus grave que les autorités onusiennes avaient apporté des garanties aux Bosno-musulmans : à Srebrenica, vous serez en sécurité parce que vous serez protégés par nous. Les musulmans de Bosnie ne sont-ils pas fondés à traîner l'ONU devant la justice belge ?
Ces rapprochements nous permettent d'établir un constat : à force de souscrire au devoir de mémoire, on finit par le bafouer ; à force de chercher des coupables partout et pour tout, on finit pas s'accuser soi-même. Ce phénomène s'explique par l'énorme chape d'ignorance qui recouvre les interprétations de l'Histoire en cours par des opinions dont la seule nourriture intellectuelle est la simplification télévisuelle. Il ne serait pas excessivement grave que l'on découvre plus de crimes qu'il ne s'en commet ; mais l'analyse ainsi biaisée devient insupportable quand elle omet de hiérarchiser les crimes ou que la non-assistance à personne en danger est considérée comme un assassinat pur et simple. Et surtout quand on donne une définition identique aux avatars de la guerre et au génocide.
Terrorisme et répression
En Yougoslavie, les musulmans étaient des victimes bosniaques ou kosovares ; en Afghanistan, les talibans intégristes sont des assassins. Au Proche-Orient, il n'y a pas que la répression forcenée d'un ancien général contre un peuple avide de liberté ; il y a aussi des crimes non seulement contre des civils israéliens, mais contre la paix ; et des groupes dont l'objectif affiché n'est pas la solution négociée mais la destruction d'un Etat. La notion simplificatrice d'un peuple colonisateur qui refuse l'affranchissement d'un autre peuple a entraîné des analyses erronées et des déductions qui relèvent du sophisme. M. Arafat a largement démontré, il y a un an, qu'il n'était pas vraiment réconcilié avec l'idée de partage territorial. Son intifada a été la cause directe de l'arrivée de M. Sharon au pouvoir. Ici même, nous avions alors prévu le pire et nous ne nous réjouissons guère d'avoir eu raison : s'il n'est pas responsable de l'activité des mouvements extrémistes (mais encore doit-il le prouver), M. Arafat a fait un choix qui leur laissait la bride sur le cou.
Or, du Djihad au Hamas, en passant par le Hezbollah, les intégristes de la région ne sont pas différents des talibans qui ont déclenché une intervention militaire laquelle, aujourd'hui, obtient une sorte de consensus mondial.
Quand les Palestiniens exigent du gouvernement américain qu'il établisse une distinction entre le terrorisme intégriste et combat pour l'indépendance, il faut d'abord qu'ils prouvent qu'ils ne veulent pas accéder à l'indépendance par les moyens du terrorisme. S'il y a des Palestiniens hostiles aux talibans, qu'ils commencent par éliminer leurs propres talibans. Comment se fait-il qu'ils aient salué l'arrivée des négociateurs américains par une série d'attentats sanglants ? Comment peuvent-ils croire un seul instant qu'en tuant tous les jours des Israéliens, Israël va leur offrir sur un plateau d'argent un Etat qui serait encore plus dangereux pour Israël ?
Un an d'intifada a fait mille morts, dont huit cents Palestiniens. Les curs occidentaux saignent pour un peuple qui perd ses jeunes et ses enfants. Mais M. Arafat n'a-t-il pas une part de responsabilité dans ce carnage ? Si, par simple réflexe moral, les spectateurs de ce conflit sans fin se contentent de condamner Israël, c'est parce qu'ils ne voient pas qu'un Etat palestinien construit sur la violence se transformerait en une menace mortelle pour l'Etat hébreu. Alors, de nouveau, les curs du monde saigneront, cette fois pour les Israéliens. Mais ce sera trop tard.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature