Livres
Agé de 63 ans, J. M. Coetzee était un « éternel favori » pour le Nobel de littérature, mais ses chances semblaient contrariées par le prix qu'avait reçu en 1991- alors qu'il était le favori - Nadine Gordimer, comme lui représentante de la minorité blanche d'Afrique du Sud, mais plus ouvertement militante que lui contre l'apartheid ; à tel point d'ailleurs que son nom n'apparaissait plus dans les pronostics habituels de dernière heure !
En tout état de cause, l'académie suédoise poursuit sa politique d'ouverture aux littératures du monde, engagée dans les années 80 après des décennies largement favorables aux Européens. Succédant au Hongrois Imre Kertész, J. M. Coetzee a été récompensé pour une uvre « qui dans de multiples travestissements expose la complicité déconcertante de l'aliénation », a souligné l'Académie Nobel.
Né au Cap en 1940, d'ascendance anglo-allemande, J. M. Coetzee est scolarisé dans un établissement anglophone et il s'installe en Grande-Bretagne au début des années 1960, où il exerce la profession de programmateur informatique. Il délaisse rapidement cette activité pour embrasser des études d'histoire et de littérature aux Etats-Unis. Il a notamment obtenu en 1969 un doctorat en anglais et linguistique à l'Université du Texas à Austin.
Il est édité pour la première fois en 1974 avec « Terres de crépuscule » mais c'est en 1980 qu'il connaît le succès international avec « En attendant les barbares » où l'Afrique du Sud est omniprésente mais jamais citée : dans un désert sans nom, un pouvoir central s'inquiète d'une invasion barbare et dépêche sur les lieux un tortionnaire de la pire espèce.
En 1983, il décroche le prestigieux Booker Prize - et le Fémina étranger en France en 1985 - pour « Michael K, sa vie, son temps » ; ici, l'invasion est là mais l'ennemi est invisible : quittant Le Cap en guerre, traversant un pays en état de siège, le jardinier Michael K emmène sa mère mourante vers la ferme familiale, à quelques centaines de kilomètres. Parallèlement il enseigne les lettres et l'anglais à la State University de New York à Buffalo.
Deux fois le Booker Prize
L'année suivant, il obtient une chaire de professeur de littérature anglaise à l'université du Cap. En 1986, il publie une version revue de Robinson Crusoé dans le roman « Foe », avant de revenir à son Afrique du Sud. C'est, en 1990, « L'Age de fer » et en 1997 il publie un roman autobiographique, « Scènes de la vie d'un jeune garçon », un récit plein d'humour où il raconte sa jeunesse, à Worcester, grosse bourgade de l'arrière-pays du Cap, dans une famille afrikaner où l'anglais est préféré et qui est confrontée au poids du racisme ambiant et de la religion.
J. M. Coetzee est aussi le premier auteur à avoir reçu deux fois le Booker Prize, qui lui est décerné à nouveau en 1999 pour « Disgrâce » : une fable désespérée autour d'un jeune garçon affligé d'un bec de lièvre et totalement marginalisé, qui fuit une guerre civile qu'il ne comprend pas.
Si son uvre est fortement imprégnée des idées et des comportements issus de l'apartheid, elle n'en a pas moins un caractère universel. Dans la plupart de ses récits, J. M. Coetzee ne fait pas appel à un contexte historique précis. Ses personnages, cernés par un destin à la fois individuel et collectif, sont enfermés dans des situations extrêmes. Il ne s'est jamais défini comme un militant ou un écrivain « engagé », soulignant par exemple que « dans mes romans, la guerre est une métaphore historique. Elle n'existe pas seulement en Afrique du Sud », et ajoutant, il y a déjà une quinzaine d'années : « Je ne vois pas pourquoi on devrait automatiquement traduire ou essayer de traduire ma pensée en termes politiques. Il n'est pas nécessaire de connaître mes idées pour comprendre mes livres ». De la même façon et fidèle à sa réputation de discrétion, le lauréat n'a pas jugé bon de faire des commentaires après l'annonce du prix, disant seulement qu'il l'avait reçue comme « une surprise totale ».
Traduit en vingt-cinq langues mais semble-t-il assez peu lu dans son propre pays, J. M. Coetzee, qui donne cet automne des cours à l'Université de Chicago, enseigne habituellement à l'université d'Adélaïde, en Australie, après être notamment passé par les prestigieuses universités américaines de Harvard et Johns Hopkins.
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