« Monsieur Batignole », de Gérard Jugnot

Le regard d'un gentil

Publié le 12/03/2002

Article réservé aux abonnés

1276305706F_Img83559.jpg

Cinéma

Après « Laissez-passer » et « Amen », voici en quelques semaines le troisième film sur ce « passé qui ne passe pas », la Deuxième Guerre mondiale, les horreurs nazies et ceux qui y ont collaboré. Chaque fois revient la même question : qu'est-ce qui sépare le salaud du héros, qui fait basculer des individus qui se (nous) ressemblent, plus ou moins ordinaires, les uns vers la collaboration (ou l'indifférence complice), les autres vers la résistance ?

Avec Gérard Jugnot, on est loin des interrogations existentielles des films cités plus haut et de l'ambiguïté assumée d'uvres comme « Lacombe Lucien », de Louis Malle, ou « Uranus », de Claude Berri. L'acteur-réalisateur n'a d'ailleurs pas une telle ambition. Ce qu'il veut, c'est mettre un peu d'espoir dans une sombre réalité, un peu de rire dans un drame dont on sait qu'il peut se renouveler.
Voici donc un charcutier-traiteur qui, comme beaucoup d'autres, pense pouvoir se contenter de faire son métier, quitte à en profiter un peu. Mais le vol de saucisses et les manuvres d'un futur gendre dénonciateur provoquent une cascade d'événements qui vont obliger le brave (?) homme à choisir son camp.
On n'échappera pas aux scènes convenues qu'implique le scénario, même si le réalisateur-auteur sait évoquer d'une pirouette tel ou tel événement grave. La reconstitution est un peu trop soignée pour se laisser oublier et les jeux de mots ne se refusent pas toujours la facilité ( « Je vous remercie de votre collaboration », « Si j'étais né sous une bonne étoile... ». Rien de surprenant non plus dans le personnage de Batignole, qui ne pourra que s'attendrir face à l'enfant qui fait appel à lui.
Mais le personnage de l'officier allemand (Götz Burger) est presqu'aussi drôle que celui joué par Francis Blanche dans « Babette s'en va-t-en guerre » (je sais, cela ne date pas d'hier) et le duo de Gérard Jugnot et du jeune Jules Sitruk est difficilement résistible. Ce Monsieur Batignole est finalement tout à fait fréquentable. Et sympathique, une réussite à laquelle l'acteur-réalisateur nous a habitués.

Renée CARTON