DE NOTRE CORRESPONDANT
« MÉDECINS et malades dans la peinture du XVIIe siècle » fait, en deux volumes, la synthèse d'un sujet très large, mais qui n'avait jusque-là été étudié que de manière fragmentaire. Le plus gros travail, avoue d'ailleurs le Pr Lévy, a été de retrouver l'ensemble des oeuvres traitant de maladies ou de médecine, puis d'obtenir l'autorisation de les reproduire.
Le XVIIe siècle est, dans l'histoire de la peinture, le premier à s'intéresser véritablement tant à la maladie qu'aux médecins, en s'affranchissant des sujets essentiellement religieux qui dominent les siècles précédents. Mais si la maladie commence à être fréquemment représentée, parfois même dans une optique quasi documentaire, elle peut être difficile à identifier par un non-spécialiste : un des intérêts de ce livre est donc, grâce aux compétences médicales de son auteur, d'aider les spectateurs à déceler un cancer ou une affection neurologique ou génétique dans des tableaux qui, a priori, ne traitent pas de médecine.
La peste, châtiment divin.
Au XVIIe siècle, la peste reste la maladie la plus redoutée et la plus représentée, tant pour les ravages qu'elle cause que pour sa symbolique religieuse, en tant que châtiment divin. Les maîtres italiens, mais aussi français, Poussin en tête, ont été les plus nombreux à se consacrer à ce sujet, tout en peignant, en parallèle, des oeuvres souvent édifiantes de saints rédempteurs et de miséricorde.
La représentation de la maladie individuelle, elle, fait une large part aux affections génétiques, en premier lieu le nanisme. Vélasquez peint avec précision les nombreux nains qui agrémentent la vie des grands d'Espagne, certains faisant eux-mêmes partie de l'aristocratie ibérique. De même, toutes les formes de rachitisme et d'obésité s'observent sous le pinceau des peintres, en particulier espagnols, italiens et flamands.
L'observation du peintre.
A côté de la phtisie et de la syphilis, la variole fait aussi partie des grands fléaux de l'époque : atteint de cette maladie, le grand-duc de Toscane Ferdinand II se fit représenter aux 3e, 6e et 9e jour de son affection, avec une précision toute médicale. Le plus extraordinaire, souligne le Pr Lévy, c'est que Ferdinand survécut… et que le peintre ne fut pas contaminé !
Enfin, les maladies plus rares ne sont pas absentes non plus : un oeil exercé peut même diagnostiquer, chez « l'Enfant malade », du Hollandais Metsu, un neuroblastome dit syndrome de Hutchinson… qui révèle aussi le sens aigu de l'observation du peintre.
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée à la représentation des médecins dans la peinture de la période : si l'illustration des maladies est un genre vraiment européen, celle des médecins, mais aussi des charlatans et des bonimenteurs de tout poil, reste avant tout le fait des peintres hollandais et flamands. La peinture de genre de ces pays raffole de scènes médicales, souvent cocasses ou ironiques, mais parfois aussi pleines de sensibilité et de compassion. Au-delà des scènes et des gestes médicaux, parfois très utiles pour étudier la médecine de l'époque, les tableaux hollandais sont aussi remplis de codes que ce livre nous aide à décrypter, à l'image de la chaufferette placée au pied d'un lit, et qui servait de… test de grossesse : si la femme n'en supportait pas l'odeur, c'est qu'elle était enceinte, estimait-on à l'époque. Riche en détails comme en analyses, cet ouvrage permet ainsi de relire l'un des grands siècles de l'art européen et donne envie de parcourir d'une manière originale les grands musées du continent.
Jean-Marc Lévy, « Médecins et malades dans la peinture européenne du XVIIe siècle », Editions de l'Harmattan, Paris, deux volumes, 47,50 euros les deux.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature