O N sait qu'une même blessure peut provoquer une douleur qui sera ressentie de façon très différente selon les individus ou les situations. On sait aussi que l'idée même du soulagement peut avoir un effet antalgique significatif. Par ailleurs, l'appréhension d'une sensation douloureuse peut déclencher une douleur avant même que ne soit appliqué le stimulus douloureux.
Un certain nombre d'arguments laissent croire à l'existence de circuits cérébraux modulateurs de la douleur (atténuant ou aggravant la douleur).
Un circuit modulateur de la douleur fait intervenir les récepteurs mu aux opiacés. Ceux-ci participent à l'effet antalgique des opiacés analgésiques administrés par voie I.V., comme la morphine. De plus, ces récepteurs et leurs ligands, les peptides opiacés endogènes (endorphines, enképhaline), sont mis en jeu dans l'atténuation de la douleur en réponse au stress, comme la peur ou une intervention chirurgicale, ou encore la réponse au placebo antalgique.
Zubieta (université du Michigan, Ann Arbor) et coll. ont davantage exploré la fonction de ce système pendant l'expérience d'une douleur prolongée. Ils ont conduit une étude contrôlée par placebo, en double insu, chez vingt volontaires en parfaite santé. Treize hommes et sept femmes, tous âgés entre 20 et 30 ans.
En utilisant la tomographie par émission de positons (PET) et un radiomarqueur du récepteur opioïde mu, les chercheurs ont examiné la fonction du système opioïde endogène et des récepteurs opioïdes mu dans le cerveau des volontaires soumis à une douleur prolongée (vingt minutes) appliquée sur leur muscle de la mâchoire. Le même examen a aussi été effectué pendant que les volontaires étaient soumis à l'application d'un placebo sur leur muscle masséter.
L'atténuation des réponses sensorielles et affectives
la libération régionale d'opiacés endogènes activant les récepteurs mu aux opiacés dans un certain nombre de régions cérébrales, corticales et sous-corticales (thalamus, hypothalamus controlatéral, amygdale ipsilatérale). Ils ont aussi noté que l'activation de ces récepteurs est variable selon les individus, aussi bien pendant l'application du placebo que du stimulus douloureux.
Les chercheurs ont ensuite examiné les effets de cette activation régionale des récepteurs mu aux opiacés sur la perception subjective de la douleur. Les volontaires ont répondu à un questionnaire (Mc Gill Pain Questionnaire) dans lequel ils ont chiffré les qualités sensorielles et affectives de la douleur. La cote sensorielle de la douleur est bien inversement corrélée au degré d'activation des récepteurs mu aux opiacés dans le noyau acubens, le thalamus et l'amygdale. De même, la cote affective de la douleur est inversement corrélée au degré d'activation des récepteurs mu aux opiacés dans le cortex antérieur dorsal et le thalamus, et dans le noyau acubens ipsilatéral.
« Ces résultats, notent les chercheurs, indiquent par conséquent que le système opioïde endogène, à travers l'activation des récepteurs mu aux opiacés, intervient dans l'atténuation des réponses sensorielle et affective à un stimulus douloureux prolongé. Ils démontrent aussi que ce récepteur joue un rôle dans la modulation de l'expérience individuelle de la douleur. »
Les chercheurs recommandent de poursuivre l'investigation de ces phénomènes, étant donné leurs répercussions directes pour comprendre et traiter les syndromes douloureux persistants.
« Science » du 13 juillet 2001, p. 311.
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