Une piste contre la dépendance aux opiacés

Le récepteur CRF-1 : un rôle majeur dans le syndrome de manque

Publié le 05/12/2005
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LES TRAVAUX d'une équipe de recherche de l'université de Padoue viennent de démontrer l'existence d'un rôle majeur du récepteur CRF1 (« Corticotropin-Releasing Factor 1 ») dans l'apparition des sentiments négatifs liée à l'état de manque chez des souris dépendantes aux opiacés. Cette découverte pourrait conduire au développement de stratégies thérapeutiques visant à faciliter le sevrage des héroïnomanes.
Chez les personnes dépendantes aux opiacés, en particulier chez les héroïnomanes, la période pendant laquelle la drogue procure un bien-être est inexorablement suivie par un état de manque sévère, caractérisé par des signes somatiques (en particulier des diarrhées) et un état psychologique négatif (dysphorie et humeur dépressive). Ce syndrome rend les personnes dépendantes vulnérables et les conduit à rechercher de manière compulsive une nouvelle dose de drogue.

Le sentiment d'anxiété induit par le manque.
A l'heure actuelle, il n'existe pas de traitements efficaces permettant de réduire les effets psychologiques du manque en opiacés et les mécanismes moléculaires qui les sous-tendent sont très mal compris. Une piste de recherche a cependant été récemment suggérée : il est apparu que des antagonistes fonctionnels du système de neurotransmission impliquant le facteur de libération de la corticotropine (CRF) peuvent atténuer le sentiment d'anxiété induit par le manque et réduire l'état de stress qui conduit le toxicomane à rechercher de la drogue. Certaines protéines impliquées dans le système CRF auraient un effet inducteur sur la production de sentiments négatifs lors de l'état de manque, d'autres auraient un effet inverse. Pour pouvoir développer une stratégie thérapeutique utile au sevrage des toxicomanes, il est donc nécessaire de mieux comprendre le fonctionnement complexe du système CRF.
C'est précisément dans cet esprit que Contarino et coll. ont entrepris d'examiner le rôle d'une des protéines impliquées dans le système CRF, le récepteur CRF-1, dans le syndrome du manque en opiacés. Les chercheurs ont mené cette étude dans un modèle murin de dépendance à la morphine. Ils ont utilisé deux lignées de souris mutantes déficientes en récepteur CRF-1, une lignée homozygote (CFR-1-/-) et une lignée hétérozygote (CRF +/-), et une lignée de souris témoins.
Les animaux ont quotidiennement reçu des doses croissantes de morphine et ont rapidement développé une dépendance à la molécule. Une fois la dépendance acquise, les chercheurs ont analysé leur symptômes somatiques et leurs comportements huit heures après l'injection de morphine, soit au moment où l'état de manque des animaux est le plus importants. Contarino et coll. se sont en particulier intéressés aux comportements stéréotypés et au comportement d'aversion des animaux. Les observations et les tests comportementaux standards réalisés ont permis d'établir que les animaux mutants (homozygotes et hétérozygotes) ne développent pas de symptômes psychologiques lors de l'état de manque. Contarino et coll. ont en particulier démontré que les animaux déficients pour le récepteur CRF-1 ne cherchent pas a éviter les signaux environnementaux qu'ils associent avec le manque de morphine.

Le gène de la dynorphine dans le noyau accumbens.
Des études récentes ont montré que le syndrome de manque induit une augmentation de l'expression du gène de dynorphine dans les noyaux accumbens, une région cérébrale connue pour participer aux processus conduisant à la dépendance. Les chercheurs italiens ont constaté que, dans leur modèle murin de la dépendance à la morphine, la délétion du gène CRF-1 abolit ce phénomène.
L'ensemble de ces résultats indique donc que le récepteur CRF-1 joue un rôle important dans la genèse des aspects psychologiques et moléculaires du syndrome de manque. Des stratégies thérapeutiques visant à inhiber l'activité de ce récepteur pourraient avoir des effets bénéfiques sur le comportement et la santé psychique des toxicomanes. Elles pourraient même faciliter leur sevrage.

A. Contarino et coll. « Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.

> ELODIE BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7857