La lutte contre le cancer serait-elle le laboratoire pour insuffler au système de santé français un virage à gauche ? Avec l’accent mis sur la réduction des inégalités, les dépassements d'honoraires inacceptables ou l'importance du dépistage organisé, les recommandations pour le troisième plan cancer sont loin d’être seulement techniques. Le déremboursement du dépistage individuel du cancer de la prostate par le taux de PSA par exemple témoigne bien d'un choix politique guidé par l’intérêt collectif et non pas individuel. Quant à l’intérêt manifesté tout au long des pages pour une plus grande reconnaissance des sciences humaines, il s'agit d’utiliser ce levier pour mieux combattre les disparités en matière de prise en charge ou d'espérance de vie. L'inflexion à gauche n'est pas la seule surprise de ce rapport Vernant. L’Institut national du cancer (Inca), ces derniers temps très contesté, sort renforcé en voyant réaffirmé son rôle au niveau national. Pour autant, cette volonté n’a pas suscité l’enthousiasme chez les ministres récipiendaires. Marisol Touraine et Geneviève Fioraso ont assuré le service minimum. Les deux ministres n’ont pas jugé nécessaire par exemple d’organiser une conférence de presse. Dans un communiqué commun publié le jour de la remise du rapport, les propositions ont seulement vocation « à enrichir le travail important des groupes de travail mis en place par le ministère des Affaires sociales et de la Santé et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche », en collaboration avec l’Inca, chargé d’élaborer le plan cancer 3. Bref le rapport Vernant est ici réduit à devenir une source d’inspiration parmi d’autres, et non pas le socle fondateur du futur plan annoncé pour le début 2014.
Des réactions controversées
En attendant, les propositions du Pr Jean-Paul Vernant provoquent des réactions controversées chez les experts. Le Pr Véronique Trillet-Lenoir (Hospices civils de Lyon) en reconnaît trois principales qualités. En premier lieu, « la cohérence » : sans en avoir pris connaissance, il reprend les évaluations menées par la Direction générale de la santé et l’Inca sur les insuffisances en matière de dépistage, ou d’implication du médecin généraliste dans le parcours de soin. Il est aussi courageux lorsqu’il dénonce les dépassements d’honoraires exigés par certains médecins à l’hôpital public ou demande le déremboursement du PSA et la graduation des soins. Ce rapport est aussi en rupture avec tous ceux qui l’on précédé. Au lieu de créer de nouvelle structures, il appelle à la simplification du mille-feuilles existant. C’est là une vraie source d’économies pour les finances publiques. Dans ce schéma, l’Inca assure un pilotage national. Aux cancéropôles reviennent de larges responsabilités interrégionales. Enfin, les ARS ont vocation à animer sur un territoire donné l’optimisation de la prise en charge.
Gérard Parmentier (Union nationale hospitalière privée de cancérologie) ne partage pas cet enthousiasme. Dans sa chronique hebdomadaire datée du 2 septembre dernier, il pointe les oublis nombreux concernant les acteurs libéraux. Et s’interroge par exemple « sur le dénigrement des réseaux régionaux de cancérologie qui sont une des réussites des plans cancers précédents » ou sur la casse du dépistage organisé.
Le débat, on l’a compris ne fait que commencer….
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