Le débat sur la fin de vie va se trouver relancé cette semaine, puisque c’est mardi matin que l’ex-président du comité d’ethique, le Pr Didier Sicard va remettre à François Hollande, le rapport sur la mission qui lui a été confiée au début de l’été par le Président de la République. Rarement une mission aura suscité une telle impatience… et une telle incertitude sur ses conclusions et sur son épilogue. S’agissant des trois principales questions de société qui agitent l’opinion ces derniers temps, autant il a toujours semblé clair que le gouverment mettrait en place le mariage homosexuel et à l’inverse se refuserait à toute dépénalisation du cannabis, autant l’exécutif semble davantage hésitant concernant une éventuelle légalisation de l’euthanasie.
Lors de la campagne présidentielle, François Hollande s’était refusé à prononcer le mot. Mais ses intentions renvoyaient clairement au modèle… hollandais. C’est la promesse n° 21 du candidat socialiste se prononçant en faveur d’une « assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité dans le cas de maladies incurables provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable et qui ne peut être apaisée ». L’attente des Français sur le sujet semble forte, puisque la plupart des sondages renvoient à une proportion d’environ huit français sur dix en faveur d’une aide médicalisée pour mourir. Du côté du corps médical, les avis sont plus partagés, mais une partie non négligeable parait regarder favorablement la perspective d’une nouvelle modification de la législation, qui ferait passer de l’autorisation du « laisser mourir » prévue par la loi Léonetti de 2005, à une possibilité dans certains cas de « faire mourir ». Seuls, les personnels investis dans les équipes de soins palliatifs sont résolument hostiles à ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à une porte ouverte à l’euthanasie. Il est possible que cette opposition à peu près unanime des professionnels de la fin de vie soit pour quelque chose dans la décision du président de prendre du temps.
Une proposition de loi au Parlement
Au Parlement en revanche, nombre de parlementaires sont favorables à cette perspective : en témoigne deux propositions de loi lors de la dernière législature, qui à l’Assemblée et au Sénat seraient probablement passées, sans l’opposition du gouvernement Fillon. En écho, des députés radicaux de gauche viennent de nouveau de déposer ce mois-ci une proposition de loi pour instaurer « un droit de mourir médicalement assisté », qui sera discutée à l'Assemblée en mars prochain. Il ne fait guère de doute que, si le gouvernement le veut bien, elle puisse être adoptée par la majorité actuelle et même au-delà.
Dans ce contexte complexe et sur un sujet éminemment délicat, il est cependant clair que le rapport Sicard devrait donner le « la » . Et à la veille de sa remise, il est bien difficile de savoir ce qu’il contiendra, avant qu’il ne soit dévoilé lors d’une conférence de prese mardi à la mi-journée. Ce rapport s'est nourri d'une série de réunions publiques tenues à l'automne dans des grandes villes françaises. « On est arrivé à un avis, à des recommandations », indique le Pr Sicard, sans vouloir entrer dans le détail de ses conclusions. Lors de sa nomination et tout au long de sa mission, le groupe Sicard a essuyé le feu des critiques virulentes des militants pro euthanasie de l’ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité), relevant que la quasi-totalité de ses neuf membres étaient par avance hostiles à cette perspective. Pourtant, lors de prises de position publiques, le Pr Sicard a admis que la loi Leonetti d'avril 2005 « ne réglait pas tout ». Et on se souvient aussi qu’en 2000, le CCNE qu’il présidait alors s’était pronocé en faveur d’une « exception d’euthanasie » dans certains cas, qui évoque plus une dépénalisation au cas par cas.
Dans ce contexte, l’INED a publié récemment une étude qui montre que la loi Léonetti ne fonctionne pas si mal. Pour sa part, la ministre de la Santé reste prudente, tant sur le contenu du rapport Sicard que sur les intentions du gouvernement pour la suite. « Le président de la République a pris l'engagement de permettre à chacun de terminer sa vie dignement », a rappelé vendredi Marisol Touraine sur BFM TV, qui le même jour a néanmoins rappelé dans une interview au Généraliste qu’elle était « sensible aux demandes qui s’expriment en faveur d’une fin de vie maîtrisée, et digne ».
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