CELA FAISAIT des années que l'industrie pharmaceutique appelait de ses voeux une rationalisation des taxes spécifiques dont elle s'acquitte. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la mission « santé » de la commission des finances du Sénat, vient de faire un pas dans cette direction en rendant public un «rapport sur la taxation de l'industrie du médicament». Il y explique en préambule que «s'il n'est pas illégitime de faire contribuer une industrie dont les profits sont largement solvabilisés par notre système de protection sociale, il convient néanmoins de réfléchir à la cohérence de ces taxes». Le sénateur UMP s'explique : «un milliard d'euros de taxes ne me paraît pas excessif. Mon propos est plus de donner de la stabilité et de la lisibilité à ces taxes».
Il est vrai que l'industrie pharmaceutique jouit, si l'on peut dire, d'un système de taxation spécifique qui l'amène, bon an mal an, à s'acquitter d'environ un milliard d'euros de taxes supplémentaires par rapport au droit fiscal commun. Des taxes perçues soit au profit de la Haute Autorité de santé, soit de l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), soit encore de la Sécurité sociale. Mais l'industrie pharmaceutique paie également des taxes sur ses dépenses de publicité, ainsi qu'une contribution sur son chiffre d'affaires, pour ne citer que ces exemples. De plus, regrettent les industriels du secteur, le médicament a trop souvent servi de «variable d'ajustement» des déficits sociaux, avec à la clé des lois de financement de la Sécurité sociale mettant en place de nouvelles taxes, parfois provisoires, parfois pérennes, rendant difficile l'établissement de budgets prévisionnels, avec un effet dissuasif sur l'implantation d'entreprises pharmaceutiques étrangères sur le sol français.
Meilleure visibilité.
Le rapport Jégou prend en compte ces doléances de l'industrie pharmaceutique et propose des pistes de solutions, avec l'ambition affichée, selon son auteur, d'en inscrire quelques-unes dans le prochain PLFSS (projet de loi de financement de la Sécu). Le rapport propose tout d'abord de «replacer la fiscalité dans un cadre pluriannuel», afin de donner une meilleure visibilité aux entreprises. Pour Jean-Jacques Jégou, en effet, «les fluctuations incessantes de la législation fiscalesont contre-productives en termes d'images et déstabilisantes pour l'industrie, sans pour autant être efficaces».
Le rapport propose aussi de «conforter le rôle du CSIS» (Conseil stratégique des industries de santé), notamment en revoyant sa composition pour y intégrer l'UNCAM, afin d'avoir «une vision transversale des enjeux». Autre suggestion du sénateur Jégou : «orienter davantage la fiscalité vers l'innovation en contrepartie d'une maîtrise accrue des dépenses». Dans cet esprit, le rapport imagine de scinder la clause de sauvegarde (taxe payée lorsque le chiffre d'affaires croît plus vite que le taux de progression défini par la loi de financement de la Sécurité sociale) afin de distinguer ce qui relève de la ville de ce qui relève de la rétrocession hospitalière. Il propose également de moduler la taxe sur le chiffre d'affaires en fonction des investissements effectués ou non dans des secteurs de recherche stratégiques.
En contrepartie de toutes ces propositions, Jean-Jacques Jégou préconise un déremboursement plus systématique et rapide des médicaments à SMR insuffisant, une «baisse de prix progressive, régulière et préalablement définie» des princeps et des génériques correspondants après la perte du brevet, et une généralisation du dispositif du tiers payant contre génériques.
Contacté par « le Quotidien », Christian Lajoux, président du LEEM (Les Entreprises du médicament) indique que s'il «partage le souci de Jean-Jacques Jégou de donner plus de visibilité aux taxes versées par l'industrie», et s'il est d'accord pour conforter le rôle du CSIS, il est en revanche opposé à la participation de l'UNCAM à cette instance, redoutant «une confusion des genres». Faisant référence à la phrase de Jean-Jacques Jégou ne jugeant «pasexcessif» le milliard d'euros de taxes spécifiques versé par l'industrie pharmaceutique, Christian Lajoux s'interroge : «Au nom de quoi peut-on dire qu'un milliard d'euros de taxes ne constitue pas une charge excessive? C'est un raisonnement surprenant et antiéconomique.»
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