L E rapport rédigé à la demande du gouvernement par Michel Charzat, député socialiste de Paris, préconise un certain nombre de mesures, favorables aux entreprises, pour relancer la compétitivité de la France.
M. Charzat propose en particulier une diminution de l'impôt sur les sociétés et une réduction de la taxation des plus-values en cas de fusion d'entreprises. Certes, le député PS de Paris ne voit pas péril en la demeure et estime que la France, en matière de concurrence, se situe dans la moyenne européenne. Mais, dit-il, elle peut faire mieux ; et on ajoutera qu'elle doit faire mieux dès lors que la croissance ralentit.
Handicap électoral
Lionel Jospin n'est pas tenu d'appliquer les conclusions du rapport et sera d'autant moins tenté de le faire que l'élection présidentielle a lieu dans neuf mois. Car M. Charzat qui, en somme, lui demande sans avoir l'air d'y toucher, de changer de politique économique, lui suggère à demi-mot d'abandonner certains objectifs sociaux au profit de la croissance industrielle. Or M. Jospin ne s'est pas laissé convaincre par les autres modèles européens qu'offrent la Grande-Bretagne, où Tony Blair joue la carte du libéralisme économique, et l'Allemagne où Gerhard Schröder vient de procéder à une réforme des retraites qui introduit, pour la première fois, la capitalisation.
Le Premier ministre se targue d'avoir le gouvernement européen le plus à gauche. On ne saurait le démentir. Reste à savoir si être le plus à gauche constitue un objectif ou s'il n'est pas préférable d'être moins à gauche mais de continuer à créer des emplois et à protéger l'économie française contre les secousses qui ont déjà ruiné l'Argentine, freiné la croissance américaine et allemande, et menacent d'autres pays.
On a cru voir dans le rapport Charzat l'influence occulte de Laurent Fabius. Le ministre de l'Economie et des Finances se présente officiellement comme un homme soucieux d'appliquer à la lettre les directives du Premier ministre. Mais s'il obéit au chef du gouvernement, il est sévère avec quelques ministres (de la Défense ou de l'Emploi et de la Solidarité) qu'il accuse ouvertement d'être trop dépensiers. Pourtant ni Alain Richard ni Elisabeth Guigou n'agissent sans l'aval de M. Jospin.
En d'autres termes, si M. Fabius respecte les formes, il a appris à se dresser indirectement contre le Premier ministre dont il attend de toute évidence un programme social moins ambitieux, une politique fiscale moins sévère et des idées économiques plus conformes à la réalité européenne.
Dans le sujet
Mais attribuer à M. Fabius le constat établi par M. Charzat revient à douter de l'indépendance de celui-ci. Il n'y a aucune raison de ne pas voir dans le document qu'il a rédigé la traduction de ce qu'il a honnêtement observé. Le député socialiste est resté scrupuleusement dans son sujet : on lui a demandé de plancher sur les chances de la France dans le domaine de la concurrence commerciale et il donne un avis objectif, peut-être même au détriment des idées qu'il soutient. C'est en ce sens que le rapport de M. Charzat est plus important qu'il n'en a l'air : les années de vaches grasses sont, au moins provisoirement, révolues. Face aux dangers qui menacent, il faut bien chercher des parades. D'autant que la France, à ce jour, n'a pas éliminé son déficit budgétaire et que les diverses mesures sociales adoptées par le gouvernement, par exemple les 35 heures, ou encore la CMU et l'allocation de prestation autonomie (APA) sont coûteuses. Lancées en période d'euphorie, elles risquent de peser lourd sur un budget dont les recettes diminuent, avec des révisions du taux de croissance pour cette année qui ont fait perdre un point, au total, à la prévision la plus optimiste, laquelle est passée de 3,3 % à 2,3 %.
Il est bien peu probable que le gouvernement renonce à généraliser les 35 heures. Il y perdrait tout son crédit auprès des salariés, surtout ceux qui n'en bénéficient pas encore. Mais le financement de la réduction du temps de travail demeure très incertain. De sorte qu'on imagine qu'elle sera financée par un surcroît de déficit qui nous vaudra les foudres de Bruxelles et handicapera notre sortie de crise.
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