APRÈS LE DROIT de substitution accordé aux pharmaciens en 1999 qui obtenaient ainsi la possibilité de délivrer à leur patient un autre médicament que celui prescrit par le praticien, verra-t-on bientôt le biologiste bénéficier de la même faveur et pouvoir modifier la prescription d'examens demandés par le médecin ? La question est d'autant moins saugrenue que la réponse figure dans le rapport Ballereau qui traite de la réforme de la biologie et que son auteur vient de remettre à la ministre de la santé.
Ce texte précise que «l'amélioration de l'efficience des dépenses de biologie médicale passe par la responsabilisation des différents acteurs: celle du clinicien, en améliorant sa formation initiale et continue portant sur la prescription; celle du biologiste médical, en le rendant acteur de la maîtrise médicalisée, au travers notamment d'un droit à la substitution encadrée». Le terme est légèrement abscons, mais l'auteur s'en explique quelques lignes plus loin, lorsqu'il écrit que l'ensemble de la réforme «repose sur la nécessaire coopération entre le clinicien et le biologiste médical». Mais, ajoute Michel Ballereau, «par similitude avec le droit de substitution du pharmacien», en cas de désaccord entre le biologiste médical et le clinicien, celui-ci doit conserver la possibilité de maintenir sa prescription. Dans l'esprit du rapporteur, il faut donner au biologiste une responsabilité plus importante que celle qui est la sienne aujourd'hui. «Il est indispensable, écrit-il, de repositionner le biologiste, professionnel impliqué dans une discipline devenue plus proche de la clinique et du patient et plus éloignée d'une simple prestation technique.»
Dans l'esprit de l'auteur, «les prescriptions reflètent assez souvent une redondance d'examens (…) q ui ne sont pas tous nécessaires, diminuant d'autant l'efficience des dépenses sans apporter de service médical supplémentaire au patient». D'où la nécessité de contacts plus fréquents entre le médecin et le biologiste.
Pour permettre une meilleure coopération entre ces deux acteurs, le rapport suggère aussi que, de plus en plus fréquemment, la prescription du médecin puisse être formulée «sous forme de questions diagnostiques, telles que diagnostic d'une suspicion d'anémie par carence martiale; suspicion d'hypothyroïdie…». L'objectif étant de laisser au biologiste, en accord avec le prescripteur, le choix des analyses.
Préoccupation économique.
Mais derrière ce souci louable d'améliorer la qualité de la prescription des examens médicaux et de donner au biologiste une plus grande responsabilité se profile rapidement la préoccupation économique. L'auteur ne s'en cache guère lorsqu'il affirme que le respect des référentiels et des bonnes pratiques de prescription «devrait pouvoir être source d'économies globales de trente millions d'euros sur trois ans en année pleine», soit 90 millions d'euros au total, somme à laquelle il faut ajouter les économies liées aux baisses du tarif de certains actes décidées ces dernières années.
Si le rapport reconnaît que «la majorité (des laboratoires) respecte des normes de qualité et rend des résultats exacts», il déplore que «les modalités de garantie de la qualité diffèrent» et que les français ne bénéficent pas d'une «garantie de qualité minimale dans tous les laboratoires français». À noter cependant que seulement chaque année une dizaine de laboratoires, sur environ 4 000, sont fermés après des inspections. Mais, pour le rapporteur, «l'harmonisation de la qualité passe par une procédure stricte comportant un haut niveau d'exigence» et «l'accréditation seule permet de parvenir au niveau requis». Une accréditation délivrée par le Comité français d'accréditation qui va mettre en place un département santé humaine. Cette accréditation comme le révélait « le Quotidien » dans son édition du 28 août sera obligatoire pour tous les nouveaux laboratoires. Les autres devront s'engager dans ce processus dans les trois ans et être accrédités dans les six ans.
Ouverture totale du capital.
Reste le délicat problème de la réforme du financement et de la composition du capital des sociétés d'exercice libéral. Les contraintes européennes font que le gouvernement – malgré certains engagements du chef de l'État lors de l'élection présidentielle – est obligé de changer sa réglementation en la matière et d'autoriser l'ouverture totale du capital à des non-biologistes, alors qu'aujourd'hui ces capitaux extérieurs sont limités à 25 %, voire à 49 % dans des conditions bien précises. Mais, affirme le rapport, «la preuve n'a pas été apportée que cette limitation était un facteur de qualité». Le contraire non plus d'ailleurs.
Contraint, surtout en cette période de présidence française de l'Union, de donner satisfaction à la Commission de Bruxelles et à ses juristes, le rapporteur propose cependant certains garde-fous pour empêcher que les investisseurs éventuels ne considèrent la biologie que comme source de profits : ainsi le directeur de la future agence régionale de santé (ARS) pourra interdire un rachat ou une fusion qui conduirait à une situation de monopole ou de forte supériorité d'un laboratoire dans un territoire de santé ; les biologistes actionnaires, même s'ils sont minoritaires, conserveront la majorité des droits de vote ; interdiction pour un investisseur de prendre des participations directes ou indirectes dans plusieurs laboratoires sur un même territoire de santé ou des territoires de santé contigus ; mise en place d'une clause imposant une durée minimale d'investissement de sept années.
Reste à savoir le sort qui sera réservé à ce rapport. De nouvelles réunions devraient avoir lieu en octobre. Mais le fait que le gouvernement ait décidé de réformer la biologie par ordonnances, comme le précise l'article 20 de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (« le Quotidien » du 16 septembre), laisse mal augurer la suite…
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