Peu de laitages
Marie E., 14 ans, se plaint de douleurs dans les jambes, survenant plus nettement lors des activités sportives du collège. Elle consulte pour ce motif, l'examen clinique est normal. Elle est grande, mesure 1,69 m (+ 2 DS). Elle n'a aucune déformation des membres inférieurs. Marie E. est en 4e, elle est réglée depuis deux ans, elle est d'origine haïtienne, elle n'a jamais voyagé. Elle a une alimentation peu variée, pauvre en laitages (un bol de lait et un yaourt par jour), ne fait pas de sport et s'expose à la lumière régulièrement.
Vitamine D effondrée
Devant ces douleurs gênantes et répétées, un bilan sanguin est effectué : celui-ci est très perturbé : la calcémie est basse à 1,88 mmol/l, la phosphatémie très basse aussi à 0,64 mmol/l, les phosphatases alcalines très élevées à 1 929 U/l. Un complément d'examens est réalisé : la vitamine D est effondrée, inférieure à 7 µg/l ; la parathormone très élevée, à 843 ng/l, les radiographies des membres inférieurs montrent une déminéralisation osseuse et des bandes claires métaphysaires tibiales. L'adolescente est traitée par calcium en perfusion (48 heures) et peros (1 mois) avec supplémentation en vitamine D (2 ampoules de 100 000 UI). Les contrôles biologiques se normalisent. Le rachitisme de l'adolescent en France est rare, mais la situation de carence en vitamine D sans rachitisme est sûrement fréquente, notamment au nord de la Loire. Les études (en nombre encore insuffisant) estiment que de 25 à 34 % environ des adolescents en région parisienne sont carencés.
Des signes parfois sévères
Les signes de rachitisme de l'adolescent sont variés : parfois sévères (convulsions sur hypocalcémie, déformation importante des membres inférieurs en genu valgum nécessitant parfois une intervention orthopédique), parfois symptômes discrets et banalisés comme des douleurs des jambes (attention donc au diagnostic trop rapide de douleurs de croissance).
La population à risque est assez bien définie : filles, de 10 à 16 ans, de grande taille (de + 1 à + 2 DS), à peau pigmentée, vivant en ville, au nord de la Loire, chez qui l'interrogatoire révèle le plus souvent une carence d'apport alimentaire en calcium et/ou en vitamine D, peu d'activité physique et peu ou pas d'exposition solaire (bras et jambes couverts pour raison religieuse, corps entier non exposé faute de vacances).
Les besoins en calcium
Les apports en calcium conseillés chez l'adolescent sont de 1 200 mg par jour en moyenne ; une alimentation diversifiée apporte environ 500 mg, il faut donc conseiller au moins 1 bol de lait (300 mg) ou une part d'emmenthal (300 mg) et 2 yaourts (200 mg chacun) par jour pour couvrir les besoins. Une activité sportive d'une heure par jour associée à un bon apport calcique permet une meilleure accrétion osseuse, d'où une prévention du rachitisme bien sûr, mais surtout une prévention de l'ostéoporose. En effet, la prévention de l'ostéoporose devrait intervenir dès l'âge pédiatrique.
Vitamine D
Les apports en vitamine D d'origine alimentaire sont limités car la vitamine D en quantité notable est contenue dans les poissons gras (rappelons-nous des huiles de foie de morue de nos mères et grand-mères !) et depuis peu de temps dans les laits enrichis en vitamine D. L'exposition solaire est la voie de prédilection des apports endogènes de vitamine D, mais l'exposition d'une « faible surface » (seulement la tête) est insuffisante. Un arbre décisionnel prenant en compte l'exposition solaire et les apports exogènes de vitamine D existe et permet une bonne détection des adolescents carencés (1).
En France, il n'y a pas encore de consensus chez l'adolescent pour une prise de vitamine D en début d'hiver. Envisager de modifier les habitudes alimentaires des adolescents paraît souhaitable dans certains cas. Dans les populations à risque, après un interrogatoire rapide sur l'alimentation et l'exposition solaire (1), une supplémentation en vitamine D en début d'hiver (2 fois 100 000 unités à 2-3 mois d'intervalle) pourrait être recommandée et est déjà proposée par de nombreux pédiatres. Les recommandations de la National Academy of Sciences aux États-Unis plaident également pour une supplémentation, mais en prise quotidienne, d'observance plus difficile (200 UI de vitamine D par jour).
(1) M Garabédian et coll. Prévention de la carence en vitamine D chez l'enfant et l'adolescent. « Arch F Ped », 2004.
Prévention du rachitisme chez le nourrisson et le petit enfant
La prophylaxie commence en anténatal par une prise d'une ampoule de 100 000 unités au début du 7e mois de grossesse.
Les laits 1er et 2e âge sont enrichis en vitamine D, en moyenne de 400 à 500 U/l.
– Chez les enfants alimentés par du lait artificiel : de 400 à 800 U/j, soit environ 4 gouttes de ZymaDuo 150 (600 U) ou Uvestérol dose L (800 U).
– Chez les enfants au sein ou au lait non enrichi en vitamine D : 1 200 U/jour, soit 4 gouttes de ZymaDuo 300 (1 200 U) ou Uvestérol dose 1 (1 000 U).
– Chez les enfants à peau pigmentée : 1 500 unités/jour en moyenne, soit ZymaDuo 300 (5 gouttes), soit Uvestérol dose 2 (1 500 U).
– En cas d'observance difficile et de préférence après 12 mois, la prescription de 80 000 unités (ampoule Zyma D) à 100 000 unités (ampoule Uvedose) tous les 3 mois est possible.
La prophylaxie est maintenue jusqu'à 18 mois. Il faut poursuivre jusqu'à l'âge de 5 ans chaque semestre d'hiver ; par exemple, une ampoule de 100 000 unités en octobre et en janvier.
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