LE QUOTIDIEN - Si Loft Story était à refaire, renouvelleriez-vous l'expérience ?
Dr DIDIER DESTAL - Oui, sans hésitation. D'autant plus que la présence d'un psychiatre sur l'émission était tout à fait justifiée. Les participants se mettent quand même en position extrême. Cette émission a permis à une frange de la jeunesse de montrer son visage, d'exprimer ses motivations, ses rêves, ses désirs. C'est important. Par ailleurs, un certain nombre de questions ont été soulevées. J'en suis heureux. Elles méritent d'être discutées.
Quelles sont ces questions ?
Je souhaite que l'on s'interroge sur les mécanismes de fascination qui ont conduit les 14-25 ans à suivre très massivement l'émission. Comment ont fonctionné les mécanismes d'identification à ces jeunes gens et jeunes femmes ? Pourquoi ces jeunes gens et jeunes femmes, eux-mêmes, se sont-ils lancés dans cette aventure ? Il est important de réfléchir encore à leur comportement tout au long de ces semaines passées dans le loft : ils disent avoir été eux-mêmes, ne pas s'être fabriqué des rôles. Tout cela donne enfin l'occasion de réfléchir à l'adolescence et la postadolescence d'une jeunesse dont on parle beaucoup sans la connaître.
Avant même que l'émission ne commence, vous estimiez que les candidats sélectionnés étaient tous des gens « sains et équilibrés ». Maintenez-vous ce jugement, maintenant que tout est fini ?
Absolument.
N'avez-vous pas été surpris par certaines réactions ?
Si, mais plutôt de façon positive. J'ai notamment été surpris par la manière dont ils ont réussi à gérer toute la dynamique des nominations et des départs, à travers le groupe et à travers leur capacité à être ce qu'ils sont. J'ai vu des gens suffisamment tranquilles avec eux-mêmes pour être comme ils sont. Je les ai tous revus assez longuement les uns après les autres, notamment pour évaluer avec eux la façon dont ils fonctionnaient par rapport aux caméras. Il y a des moments où ils ont joué. Ils se savaient au spectacle. Cela n'a rien à voir avec de l'exhibitionnisme. En revanche, ils sont sidérés par la popularité dont ils sont l'objet.
Sont-ils armés pour faire face à cette soudaine popularité ?
Ce n'est pas très simple. Mais ce sont des gens qui dégagent une force, une densité assez particulière qu'ils peuvent mettre à profit pour résister à ce qui se passe. Tous m'ont parlé d'un sentiment d'intrusion : les gens les considèrent comme des proches, parce qu'ils les ont eus chez eux, tous les jours, à la télé. Cependant, les gens sont sympas.
Souris de laboratoire
Donc, pas de traumatisme particulier pour eux ?
Non. Le seul traumatisme pour certains est lié à un effet très secondaire et pernicieux de l'émission. C'est de découvrir dans la presse la façon dont on a fouillé leur passé et la manière dont ils ont été qualifiés. On les a considérés comme des « cobayes », des « souris de laboratoire », des « décérébrés ». C'est la partie la plus douloureuse pour eux.
Vous-même avez fait l'objet de beaucoup de critiques, notamment de la part de vos confrères.
Beaucoup de mes confrères ont considéré que je galvaudais mon titre. Ceux qui m'ont critiqué ne me connaissent pas et ont fonctionné avec le même terrorisme passionnel que celui affiché à l'encontre des jeunes gens du loft. J'ai été auditionné par l'Ordre des médecins, qui a estimé que je ne dérogeais pas à la déontologie et que je ne commettais pas de faute d'éthique. D'ailleurs, je viens de refuser à un journal de participer à un portrait d'un des résidents du loft.
Pourquoi avez-vous accepté de participer à l'émission ?
Parce que ces jeunes gens se mettaient dans une situation nouvelle, inconnue, et qu'il me semblait justifié qu'un psychiatre, indépendant de la production, soit à leurs côtés. Mais que les choses soient claires : je n'avais pas à intervenir comme thérapeute. Je pouvais simplement avoir, à tel ou tel moment de difficulté, une position thérapeutique ponctuelle.
Vous sortez aujourd'hui un livre, « les Miroirs du loft » (1).
Ce n'est pas un livre de justification. C'est l'occasion de reposer toutes les questions que je viens d'évoquer et de donner mon sentiment, de l'intérieur, dans une proximité avec eux, sur qui sont les gens du loft, ce qu'ils représentent, comment ils fonctionnent. J'ai souhaité, d'une certaine manière, redonner d'eux une image positive.
(1) Plon, 180 pages, 92 F.
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