Depuis quinze jours qu'elle a commencé à l'instigation de l'UNOF et du SML (Union nationale des omnipraticiens français et Syndicat des médecins libéraux), la grève des gardes de nuit des généralistes est observée avec attention par la gauche comme par la droite. A six mois des échéances électorales, le fond et la forme de ce mouvement, qui, faute de réponse du gouvernement, pourrait être étendu aux gardes de week-end à partir du 7 décembre, font réagir les députés et les responsables de la gauche plurielle et de l'opposition. Et redessinent parfois le paysage politique.
Le Parti socialiste apparaît bien isolé face à la question, centrale, de la revalorisation tarifaire des actes des généralistes. L'UNOF et le SML demandent que la valeur de la consultation passe de 115 à 131,19 F (20 euros) et que celle de la visite passe de 135 ou 145 F à 196,79 F (30 euros). Leurs revendications obtiennent à droite un soutien massif. Le RPR fait même de la surenchère, par la voix de Bernard Accoyer, député de Haute-Savoie et délégué de son parti aux élections. « 20 euros pour une consultation, explique-t-il, ce n'est pas beaucoup. Il s'agit vraiment d'un minimum. Personnellement, je serais favorable à une revalorisation beaucoup plus importante, même si je pense que les contraintes financières de l'assurance-maladie poseraient des problèmes difficiles à cette réévaluation. »
Un C à 20 euros ne paraît pas non plus « démesuré » au secrétaire politique national de Démocratie libérale, député du Morbihan, François Goulard. D'autant qu'il pense que cela pourrait permettre à certains médecins de lever le pied et que l'opération ne coûterait pas forcément très cher à l'assurance-maladie.
La demande des omnipraticiens est jugée « raisonnable » par Jean-Luc Préel, député (UDF) de Vendée, « légitime » par Maxime Gremetz, député communiste de la Somme.
Le PS est le seul à s'être hasardé sur le terrain glissant des propositions chiffrées. Dans « le Quotidien » du 22 novembre, son délégué national à la Santé, le Dr Claude Pigement, suggérait une timide revalorisation du C à 118,07 F (18 euros). Moins précis, le député socialiste de l'Eure Alfred Recours indique toutefois qu'une revalorisation ne pourra pas se faire « dans les proportions demandées » et qu'elle devra être calculée « par rapport à l'inflation ». Il souligne qu' « on ne peut invoquer l'arrondi comme élément de justification pour demander précisément 20 ou 30 euros ». En proposant 3 F quand tous les autres en promettent au moins 15, le PS est bien loin du compte.
Le RPR :« Scandaleux »
Quand il s'agit de se prononcer sur le revenu global des médecins généralistes (environ 26 000 F par mois - près de 4 000 euros, charges déduites, mais avant impôt), une carte politique plus classique se recompose. Car ce niveau de rémunération est jugé « scandaleux au regard des compétences et du dévouement des praticiens » par Pierre Morange, député des Yvelines et délégué national à la Santé du parti gaulliste. Moins virulent, François Goulard (DL) estime qu'un tel revenu pourrait être « considéré comme convenable s'il n'était pas obtenu en général par une activité très soutenue ». Au PS, Alfred Recours se contente de préciser « qu'il ne serait pas scandaleux que les médecins gagnent un peu plus ». Maxime Gremetz ne voit rien d' « exagéré » dans ce revenu en raison du travail qu'il attribue aux médecins
La nécessité de ne pas agir seulement sur le levier tarifaire pour revaloriser le métier de généraliste fait, en revanche, l'objet d'un consensus parmi les politiques. Bien sûr, chacun à sa recette. Chez les Verts, André Cicolella, responsable de la commission Santé du parti, estime que « le problème du niveau de rémunération des médecins généralistes ne peut se poser de façon découplée de la question de leur place dans le système de santé ». Pour les Verts, qui veulent que disparaisse le mode de rémunération à l'acte, jugé « inflationniste et dépassé », c'est seulement quand l'ensemble du système aura été revu que l'on pourra se pencher sur la rémunération.
A l'UDF, Jean-Luc Préel insiste sur l'importance de la reconnaissance « morale » de la profession. Pragmatique, il affirme aussi que rien ne pourra être réglé tant que « l'ONDAM (objectif national des dépenses d'assurance-maladie) ne sera pas fixé à un niveau réaliste ».
Une vision des choses que rejettent les communistes. « On ne peut régler la question de l'assurance-maladie sur le dos des médecins, explique Maxime Gremetz ; bloquer leurs honoraires revient à traiter le problème par le petit bout de la lorgnette. »
Divergences sur la grève
Enfin, la forme choisie par les généralistes pour faire entendre leurs revendications ne laisse personne indifférent. Car même si la grève des gardes de nuit - voire des week-ends - n'est censée laisser aucun patient sur le bord de la route ( « Les malades ne sont pas abandonnés pour autant », tempère Jean-Luc Préel), elle s'apparente à une grève des soins. Un type d'action qui, comme le rappelle François Goulard, « ne fait plaisir à personne, ni aux patients ni aux médecins ». Malgré cela, nul, à droite, pas plus qu'au Parti communiste, ne couvre les grévistes d'opprobre. Car c'est bien aux pouvoirs publics qu'incombe la faute originelle, jugent, unanimes, le RPR, l'UDF, DL et, dans une certaine mesure, le PCF. « Hélas, la grève est aujourd'hui le seul moyen de se faire entendre d'un gouvernement qui laisse pourrir les situations. C'est dramatique », résume pour l'UDF Jean-Luc Préel. De son côté, François Goulard stigmatise « un acte extrême mais compréhensible et encouragé par les réactions actuelles du gouvernement ». Cette grève « est regrettable, ajoute-t-il, mais je n'en impute pas la responsabilité aux médecins ».
Pour Bernard Accoyer, plus qu'un moyen de pression sur le gouvernement, le boycottage des gardes de nuit est une façon d'adresser « un signal très fort à la population ». Il s'agit, explique-t-il, de dire aux malades : « Vous ne nous considérez plus, eh bien ! soignez-vous sans nous. »
Du côté des communistes, Maxime Gremetz « comprend » que les médecins aient fait le choix d'un mouvement radical, jugeant que, s'ils « en sont arrivés là, c'est qu'ils avaient tout essayé » et qu' « hélas, en France, on n'écoute pas, on ne négocie pas ». En outre, la question du risque couru par les malades du fait de la grève paraît mineur au député de la Somme comparée au danger qu'il y a à laisser travailler un médecin plus de quarante-huit heures sans dormir. Une nouvelle fois, les socialistes se distinguent. Alfred Recours estime en effet qu'il aurait été plus logique que la grève concerne les consultations et les visites, puisque c'est là-dessus que portent les revendications. A ses yeux, les gardes de nuit constituent « un problème à part entière », et il se déclare d'ailleurs favorable au principe de la rémunération de l'astreinte.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature