C'EST UN SIGNE qui ne trompe pas : en saisissant le Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2008, le Parti socialiste, contrairement à l'an passé, n'a pas voulu « s'éparpiller » en multipliant les demandes de censure (1) mais il a concentré sa charge contre la mesure emblématique de cette loi, les franchises médicales (article 52).
De fait, hormis un court paragraphe final sur l'exigence de «sincérité» des prévisions de recettes et de dépenses, la saisine du PS (11 pages) est exclusivement consacrée à ces fameuses franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires, qui doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2008. Une mesure destinée à contribuer au financement de priorités présidentielles (maladie d'Alzheimer, cancer, soins palliatifs).
Le PS a pris un soin tout particulier pour développer ses griefs, conscient de la portée très politique de cette affaire. A l'heure où se prépare une réforme structurelle du financement de la santé programmée en 2008, il est clair qu'une censure constitutionnelle des franchises constituerait une forme d'avertissement au gouvernement. Pour le PS ,en tout cas, ces nouvelles contributions demandées aux assurés «constituent une double atteinte caractérisée au droit à la santé constitutionnellement garanti et au principe d'égalité [devant la solidarité nationale et les charges publiques] ».Pourquoi ?Sur le premier point (droit à la santé), le PS s'appuie, non sans habileté, sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Des décisions récentes ont indiqué que le niveau des participations non remboursées réclamées aux assurés (forfait par acte, pénalités hors parcours de soins...) ne devaient pas méconnaître les exigences constitutionnelles relatives à la protection de la santé. En clair, argumente le PS, «l'assuré social ne peut pas être la variable d'ajustement de la politique de protection sociale». Or, lit-on dans le recours, le cumul de toutes les mesures existantes (forfaits, tickets modérateurs…) «peut aboutir à un reste à charge pour les assurés sociaux d'un niveau très élevé de nature à réduire radicalement la dimension solidaire de la protection sociale». Cet argument du « reste à charge » a d'autant plus de poids que le gouvernement a dissuadé les complémentaires santé – mutuelles, assurances – de rembourser ces franchises (les contrats qui les prendront en charge seront privés des avantages fiscaux). Pour le PS, les franchises représenteront une somme qui pourra se révéler parfois «financièrement insupportable» ;dès lors, «les effets d'exclusion» de cette mesure ne feraient «pas de doute».Roselyne Bachelot de son côté a rappelé, à maintes reprises, les exonérations prévues (bénéficiaires de la CMU, enfants, femmes enceintes) et le plafond annuel de 50 euros .
La bonne santé, un critère ?
Quant à l'entorse au principe d'égalité, elle serait également avérée pour le PS.
Selon le texte de sa saisine, toute nouvelle participation financière exigée doit tenir compte des «différences objectives de situation des assurés sociaux» fondées sur des critères «rationnels». Autrement dit, si des personnes sont ciblées par des contributions non remboursées, et d'autres pas, il faut pouvoir le justifier.Or, dans le cas de figure des franchises, le PS constate que ce dispositif s'appliquera par définition «simplement aux «personnes les plus malades» (de fait, un éternel bien-portant ne paiera jamais les franchises…).Le PS cite aussi les exemples des personnes en situation de handicap, des victimes d'accidents du travail ou atteintes de maladie professionnelle, autant de publics qui ne seront pas épargnés alors qu'ils sont précisément «vulnérables».
En tout état de cause, pour le PS, le fait d'être en plus ou moins bonne santé ne saurait constituer un critère objectif justifiant les différences de traitement auxquelles aboutira le système des franchises.
Les « Sages » de la rue Montpensier retiendront-ils ces arguments ? Ils ont 30 jours au maximum pour rendre leur verdict.
L'an passé, le Conseil constitutionnel avait censuré vingt articles de la loi Sécu.
Le gouvernement avait introduit, à tort, de nombreux amendements décisifs au Sénat (méconnaissant la règle de priorité d'examen par l'Assemblée nationale) et proposé plusieurs mesures qui n'avaient pas forcément leur place dans une loi de financement.
Un montant "ajusté" au gré des déficits
Pour le PS, cela ne fait aucun doute. Le fait que les modalités des franchises (montant par prestation, plafond annuel) soient renvoyées à un décret permettra d'augmenter ces franchises «sans contrôle du législateur», au gré des déficits et « dérapages » des comptes . Certes, le gouvernement a toujours assuré que l' «effort de solidarité» demandé serait de 50 centimes d'euro par boîte de médicament et par acte paramédical et de 2 euros par transport sanitaire (pour un rendement en année pleine de 850 millions d'euros). Il a aussi garanti que cette franchise ne pourrait excéder un montant annuel cumulé de 50 euros par personne (des plafonnements journaliers seront mis en oeuvre pour les actes paramédicaux et les transports). Tous ces chiffres figurent dans l'exposé des motifs de la loi... mais pas dans la loi elle-même. D'où l'accusation du PS que le montant des franchises, comme le forfait hospitalier, sera demain «ajusté à la hausse» en cas de déclenchement de la procédure d'alerte sur les dépenses maladie. On serait loin, dans ce cas, du financement des nouveaux besoins de santé publique.
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