Depuis lundi et jusqu'au 6 mai, quelque cent trente mille militants socialistes votent pour le choix d'une des cinq motions en lice, afin de préparer le congrès du PS qui aura lieu dans trois semaines à Dijon.
François Hollande, premier secrétaire du parti, soutenu par tous les anciens ministres, présente un texte qui représente, à quelques détails près, la continuité sociale-démocrate du parti. Contre le consensus de ceux qui ont déjà exercé le pouvoir, sont présentés quatre autres documents, dont l'un, rédigé par Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélanchon, propose une rupture par rapport au « social-libéralisme » et un autre, présenté par Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, envisage le passage à la VIe République.
Deux grands courants
La diversité des tendances qui se manifestent au sein du PS n'est certes pas nouvelle et il est logique qu'elle soit aggravée par la stupeur qu'a entraînée la défaite du premier tour de l'élection présidentielle l'année dernière.
Mais au fond, on peut considérer que s'affrontent au sein du PS deux grands courants : le premier tire la leçon de l'échec et croit dur comme fer que si Lionel Jospin a été battu au premier tour c'est parce que sa politique était trop teintée de libéralisme ; le second, en fait, considère la défaite de 2002 comme un accident de parcours et souhaite poursuivre les réformes commencées par Lionel Jospin.
Aucune des cinq motions ne reprend à son compte les idées socio-économiques de Tony Blair, bien qu'elles aient réussi au Premier ministre britannique, qui a coupé l'herbe sous le pied des conservateurs en appliquant les principes de la « troisième force » (Blair-Clinton) et en tirant le meilleur du contexte assaini créé par les réformes que Margaret Thatcher a imposées aux Britanniques, souvent contre leur gré.
Aucun mystère dans ce rejet du blairisme : la réforme est à peine amorcée en France qu'elle est rejetée par les syndicats de salariés et par beaucoup de Français : il est significatif qu'ils préfèrent cotiser plus que travailler plus longtemps, sans paraître se douter qu'ils ne cotiseront jamais assez pour limiter la durée de leur carrière.
Quoi qu'en disent leurs dirigeants, les socialistes admettent que leur échec a été le résultat d'une gestion inefficace. Et ils mettent cette inefficacité sur le compte d'un déficit de socialisme.
Il demeure en France une coupure entre les non-contribuables, qui demandent une assistance accrue, et votent massivement à gauche, et les contribuables qui ont le sentiment qu'on confisque une partie non négligeable de leur travail et de leur créativité. Le gouvernement Raffarin s'efforce de combler le fossé entre les deux camps. Mais il traîne le boulet du scepticisme populaire : à gauche, on pense encore, comme il y a un siècle, que la droite favorise les nantis et eux seuls, alors qu'elle cherche désormais à alléger le fardeau social qui empêche l'économie de s'adapter au mouvement mondial.
Le scepticisme se transforme en haine pure et simple quand éclatent les scandales financiers, comme celui de Vivendi, et quand des patrons saisis par la mégalomanie achètent à tour de bras des entreprises dont la valeur dégringole en quelques mois. Au refus du mondialisme s'ajoute donc le soupçon qui pèse sur les intentions et les méthodes du patronat.
Voilà pourquoi les socialistes devraient être tentés par un parti rénové, qui reprendrait à son compte les grands thèmes égalitaires et pourrait reconstituer la gauche plurielle autour d'une idéologie fortement ancrée à gauche. Ce qui retient M. Hollande et ses amis au bord de ce choix, c'est le sens de la responsabilité. Comme par hasard, un des courants minoritaires du PS s'appelle Utopia : on y rêve d'un nivellement des revenus et d'éliminer le travail en tant que force centrale de la vie quotidienne et de l'économie. Mais c'est bel et bien un rêve : la France ne peut pas se livrer seule à une expérience qui irait à contre-courant de ce qui se fait en Europe et ailleurs ; son économie s'affaiblirait encore, le chômage augmenterait et elle finirait, pour survivre, par plonger dans l'autarcie. Le rêve de certains socialistes a déjà été une réalité ailleurs, qui s'est soldée par une faillite. Mais les Français ont la mémoire courte et ils ne se demandent même plus pourquoi le mur de Berlin s'est effondré il y a à peine quatorze ans.
L'oubli du pragmatisme
Même si M. Hollande parvient à imposer sa motion, les socialistes seront contraints par leurs propres militants, par les Verts et par les communistes à faire des choix de gestion beaucoup plus audacieux que ceux de M. Jospin. Le seul fait qu'il n'y ait pas eu, parmi ces cinq courants, de motion de type blairiste suffit à démontrer que les socialistes, s'ils entendent bien changer les choses, n'ont pas du tout l'intention de changer leurs propres idées ou, tout au moins, d'y introduire un minimum de pragmatisme.
Leur idéologie sert objectivement les intérêts de la droite, qui gouverne, et s'est vraiment lancée dans une série d'indispensables réformes. Ce n'est pas le PS et ses associés qui gênent Jean-Pierre Raffarin ; c'est la mentalité de ce qu'il a appelé « la France d'en bas », qu'il tente de rassurer tous les jours par quelques gestes « sociaux », mais à laquelle il ne veut pas épargner une « révision déchirante » inéluctable. Toute la question est donc de savoir si les Français le laisseront faire.
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