DE BALBUTIEMENTS en tentatives, la recherche progresse pas-à-pas pour satisfaire le désir d'enfant. Les limites naturelles, humaines et temporelles sont régulièrement repoussées, à grand renfort de prouesses scientifiques que le corps médical freine à transformer en promesses de procréer. Aujourd'hui, de 10 à 15 % des couples en France rencontrent des difficultés à concevoir un enfant et consultent pour infertilité. Face à ces inquiétudes, le comité scientifique de la journée de la fertilité, présidé par le Pr Gérard Bréart, a organisé une conférence pour échanger sans tabou sur les derniers développements de la médecine en matière de reproduction.
«La magie de la naissance conserve encore une bonne part de mystère», reconnaît le Pr René Frydman, finalement rassuré que des réponses ne soient pas systématiquement apportées à toutes les questions scientifiques, techniques, médicales et éthiques. «Que veut-on faire: reproduire des gens à l'identique ou laisser un peu de hasard et pouvoir faire le meilleur des uns ou des autres», s'interroge-t-il.
Finalement, le droit guide cette pratique délicate et dresse les contours de ce que la société admet pour satisfaire un projet parental. On ne peut, par exemple, toujours pas créer d'embryons pour la recherche et c'est un point sur lequel ce maître de la thérapie génique tombe d'accord avec le Pr Claude Sureau, venu rappeler les limites normatives en la matière.
On en sait plus sur la cigogne.
«Chez l'animal, les possibilités de clonage, l'identification du génome et les travaux réalisés sur les cellules souches et la thérapie cellulaire ouvrent des voies inimaginables, y compris dans la reproduction», affirme René Frydman. Ses travaux, qui permettent d'espérer soigner un jour un foie malade en injectant des cellules bien spécifiques sans avoir recours à la greffe, ouvrent de nouvelles possibilités en matière de fécondité. Alors que l'isolement des cellules souches demeure impossible lors de la création d'un embryon, ce généticien admet que «la culture de cellules nerveuses, musculaires ou osseuses, utile dans un cadre thérapeutique, permet d'imaginer la création de gamètes».
Mais « Dame nature » ne livre pas tous ses secrets et conserve jalousement celui de l'incroyable phénomène de l'implantation. Un terrain d'exploration pour René Frydman, qui, avec ses équipes, cherche à mieux connaître ce qui régule ce mécanisme pour savoir où se situe la meilleure adhésion dans un utérus ?
«Au niveau de l'embryon lui-même, on sait finalement bien peu de choses et on ignore encore les raisons de tant de malformations chez l'humain, entraînant 50% de fausses couches?», regrette-t-il.
Chaque année, plus de 19 000 enfants naissent grâce aux techniques d'assistance médicale à la procréation. Depuis le premier bébé-éprouvette en 1982, les techniques progressent et suscitent une immense curiosité. En moyenne, 39% des ponctions réalisées aboutissent à des naissances. Un score souligné par René Frydman, qui profite de ce débat public pour indiquer aux couples qui recourent à la fécondation in vitro«de ne pas hésiter à demander les résultats des centres, encore trop discrets sur leurs statistiques». Une transparence «pour que les couples ne se bercent pas d'illusions».
Ces deux experts s'accordent sur un dernier point : «Toutes les vérités sont bonnes à dire sur la fertilité.» René Frydman conclut sur l'éternelle inégalité des hommes et des femmes pour transmettre la vie. «Un homme pourra génétiquement devenir père avec quelques rares spermatozoïdes, alors que tout espoir est définitivement écarté pour une femme qui n'a pas de production ovocytaire. La fabrication de gamètes ne devrait pas connaître d'issue valable avant dix ans et notre rôle est aussi d'expliquer aux couples qu'il existe des solutions alternatives et que l'on peut devenir parents sans se reproduire.»
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